© Stephen Cummiskey
ƒ article de Denis Sanglard
Huis clos en bord de mer. Un homme, une femme, un contrat passé entre eux deux qui ne se connaissent pas. L’homme paye la femme, qui doit se taire, venir chaque nuit, accepter tout acte sexuel, tout autre demande. Et ce que cherche l’homme, ce qu’il demande à la femme c’est de lui apprendre à aimer. Ce qu’elle lui révèle c’est son incapacité à aimer, à être aimé parce qu’il est atteint de « la maladie de la mort ».
La Maladie de la Mort, performance cinématographique en direct. Ainsi Katie Mitchell conçoit-elle cette adaptation du court récit de Marguerite Duras. Soit une production théâtrale (presque) classique, filmée et montée en direct, film projeté au-dessus de l’espace scénique ainsi transformé en studio. Montage qui associe d’autres scènes tournées en extérieur, créant un hors champs qui chez Marguerite Duras, à l’exception de l’évocation de la mer « noire », n’existe pas. Le plus souvent la caméra prend le relai de la narration, se substitue au texte de M.D. particulièrement pour ce qui est de l’ordre de la description des corps, filmés au plus près, voire presque collée à la peau. Katie Mitchell opte également pour un narrateur extérieur, comme dans le roman, en cabine et visible par nous. Les dialogues sont réduits à peu, cependant fidèles au roman. Mais elle n’hésite pas non plus à créer une enfance au personnage féminin, courte scène traumatique, la découverte de son père pendu, dont on ne voit pas vraiment le rapport et que le roman n’évoque pas. Liberté également prise entre l’évocation par M.D du meurtre de la femme, simple évocation, voire fantasme du personnage masculin, et sa tentative réelle par l’homme. Là Katie Mitchell invente un scénario qui extrapole la véritable relation entre ces deux-là et leur contrat passé, sexuel, pour ajouter une dimension de thriller possible. Le spectateur, lui, pendule entre ce théâtre filmé, en cours de tournage, et sa résolution sur l’écran. Entre un fascinant ballet réglé au millimètre entre acteurs et techniciens et sa résultante. « Le texte serait annulé s’il était dit théâtralement » écrivait M.D dans la postface de son roman. Katie Mitchell prend au mot cette assertion. De ce texte en fait un script. Il n’y a rien en effet de théâtral dans ce qui se joue là, rien dans le jeu des acteurs qui dénoncerait une théâtralité de fait. Performance cinématographique plus que théâtrale donc. Mais au-delà de cet objet performatif, qui l’emporte au final sur le sujet lui-même, ce qui est dommage, malgré les scènes érotiques, crues, conformes peu ou prou au roman, malgré le talent des acteurs totalement engagés, c’est glacial. La chair est triste. Sans âme. Certes la relation sexuelle dans le roman, par le contrat passé, exclue tout sentiment. La maladie de la mort c’est l’impuissance de cet homme à concevoir une relation vraie, émotionnelle ou sexuelle. De même dans cette performance cinématographique où son point de vue là aussi prédomine. Malgré l’incarnation juste et formidablement impudique des acteurs, l’écriture de M.D se refuse à eux. A nous. Ne reste que le sujet. Là aussi sans doute l’écriture de M.D est comme « annulée ». Or c’est elle le véritable sujet, l’incarnation, la chair du roman.
La Maladie de la mort de Marguerite Duras
Mise en scène de Katie Mitchell
Script Alice Birch
Collaboration à la mise en scène Lily McLeish
Avec
La femme Laetitia Dosh
L’homme Nick Fletcher
Narratrice Irène jacob
Réalisation vidéo Grant Gee
Décors et costumes Alex Eales
Musique Paul Clark
Son Donato Wharton
Vidéo Ingi Beckk
Assisté d’Ellie Thompson
Lumières Anthony Dora
Assistante à la mise en scène Bérénice Collet
Régisseur général John Carroll
Régisseuse de scène Lisa Hurst
Régisseuse vidéo Caitlyn Russel
Opérateurs vidéo Nadja Krüger, Sébastien Pircher/Christin Wilke
Coordination vidéo au plateau Mathew Evans
Régisseur son Harry Johnson
Perchman Joshua Trepte
Régisseur lumières Sébastien Combes
Accessoiriste Elodie Huré
Régisseur plateau Marinette Julien
Chorégraphie des combats RC-Annie
Stagiaires à la mise en scène Joanna Pidcock et Florence Mato
Du mardi 16 janvier au 3 février 2018
Du mardi au samedi à 20h30
Matinées les samedis à 15h30
Théâtre des Bouffes du Nord
37bis boulevard de la Chapelle
75010 Paris
Réservations :
Théâtre des Bouffes du Nord 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com
Théâtre de la Ville 01 42 74 22 77
www.theatredelaville.com
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