Critiques // « La Fourchette de Petula » au Théâtre le Tambour Royal

« La Fourchette de Petula » au Théâtre le Tambour Royal

Fév 24, 2011 | Aucun commentaire sur « La Fourchette de Petula » au Théâtre le Tambour Royal

Critique d’Ottavia Locchi

Quand la virtuosité se met au service de l’humour

Petula-du-75 a rendez-vous avec Jimmy-du-92. Ou plutôt non. C’est l’histoire d’une répétition qui part en vrille. Oui, c’est plutôt ça.
Le pianiste se met en place, il joue sur le piano qui aurait besoin d’un accordeur, il s’énerve sur le piano qui aurait besoin d’un accordeur car la fourchette de Pétula gêne le son, mais ça, il ne le sait pas encore… La violoniste arrive, elle joue. Ils jouent ensemble. Et puis le chanteur rejoint le duo pour parfaire cette dernière répétition avant le lever du rideau. Sauf que cela ne va pas se passer comme prévu : les trois oiseaux vont nous donner à voir de la musique comme on en a peu l’occasion ! La violoniste joue au football avec une partition froissée sur du St Saëns, le chanteur chante du Serge Lama en double appel et le pianiste se laisse emporter par Mika tout en essayant de jouer sa Polonaise de Chopin. Entre-temps, on apprend que la violoniste mène une vie d’internaute en mal d’amour en tant que Petula-du-75, que le pianiste préfère avoir de faux cheveux et que le chanteur obéit aux caprices de sa paire de chaussures. Quel feu d’artifice !

Les trois comédiens / musiciens nous offrent un florilège musical plaisant pour toutes les oreilles. On entend de la musique classique (Offenbach, Chopin, Debussy) autant que de la variété. Les moments humoristiques sont ponctués par des moments d’émotion très bien choisis et plutôt efficaces. On note les différentes performances, et aucune ne gêne les autres. Le chanteur nous offre le thème des « Parapluie de Cherbourg » (Michel Legrand) en chantant la voix féminine et la voix masculine, la violoniste interrompt ses solos époustouflants par un « ça te la coupe, hein ? » et le pianiste essaye nerveusement de mener cette répétition à bien, tout en laissant déborder son besoin de cogner le piano d’une multitude de notes impressionnantes. De quoi faire perdre patience à n’importe quel concertiste la veille d’une représentation…

Débordement d’idées et perte du sujet !

Que d’efforts pour rendre cette ultime répétition distrayante au spectateur ! Est-il vraiment nécessaire d’inclure autant d’éléments dans une scène sans réussir à réellement tous les mener à bout ? Le titre, par exemple, n’illustre qu’une simple anecdote du spectacle. D’ailleurs, tout n’est qu’anecdote. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de Petula-du-75 qui cherche sa fourchette pour manger des radis ? Au fond, c’est presque un événement secondaire de la pièce qui surgit de nulle part pour retourner d’où il est venu, ce pauvre événement qui aurait aimé qu’on lui accorde plus d’attention. On passe sans cesse d’un épisode à un autre, le phénomène zapping étant sûrement un choix…
Heureusement, les musiciens nous offrent de vrais moments musicaux qui ne sont en rien atténués de leur fraîcheur.

Cependant la trame même du spectacle se floute au fur et à mesure de la pièce. En les suivant dans leurs divagations, on finit par ne plus penser à l’échéance et à la catastrophe qui leur pend au nez s’ils ne se mettent pas plus sérieusement à répéter. Même le pianiste raisonnable se laisse piéger. D’ailleurs la pièce même se finit sans plus penser au propos de fond. Qu’adviendra-t-il d’eux le lendemain, dans ce bric-à-brac qu’est devenu leur scène ?

Trois personnalités au service d’un concert atypique

Michel Frantz, pianiste issu du Conservatoire de Paris, a dirigé pendant vingt-huit ans la musique de la Comédie Française. Passionné de comédies musicales, il en composa plusieurs ainsi que des partitions musicales pour pièces de théâtre, et n’hésite pas à monter sur les planches de temps en temps. Son savoir faire classique et son humour enrichissent d’un accompagnement rond et plein les petites histoires qu’ils se créent entre eux…
Cécile Jacquillat, la violoniste qui se lime les ongles sur son instrument, a joué dans l’orchestre Radio-France, à la Comédie Française (où elle rencontra Michel Frantz), à l’Orchestre de l’Opéra de Paris, mais aussi en tournée avec l’orchestre de Paul Muriat en plus d’autres Orchestres de Chambre. Au Maroc, elle est directrice artistique de l’École Internationale de Rabat et de Casablanca. Elle nous offre des solos mirobolants en effectuant quelques pas chassés, tout en finesse et subtilité.
Quant au chanteur Mark, son parcours l’a baladé des Etats-Unis à la France, où il enchaîne les comédies musicales (« La Mélodie du Bonheur », « Christmas Museum », « Le Violon sur le Toit »…) et monte le groupe à capella « Parisian Way ». Il mène parallèlement une carrière de comédien et joue Molière, Fassbinder, Duras ou Marivaux, jusqu’à participer à la série anglaise « Merlin » diffusée sur la BBC. Sa jeunesse et ses élans de tragédien nous font savourer les textes de Kurt Weil et pleurer sur « Les Feuilles Mortes » (Prévert/Kosma).
La mise en scène a été soignée par Davis Alexis, qu’on a pu admirer dans « Cabaret » aux Folies Bergères en Monsieur Loyal (mise en scène Sam Mendès, 2007) ou dans « La Vie Parisienne » d’Offenbach dans le rôle du Baron de Gondremark (2009). Il est l’auteur du spectacle « Le Cabaret des Menteurs » et a signé la mise en scène de « J’aime les Voyous » pour le Festival des Yvelines. Dans sa mise en scène, il met en avant le rapport clownesque des personnages entre eux, comme s’ils évoluaient dans un cirque et que leur clown leur échappait !

On pourrait justement reprocher au metteur en scène cet embrouillamini qu’est le spectacle, en dehors de la qualité musicale. Et pourtant, cette mise en scène un peu brouillonne participe joyeusement à l’ambiance désordonnée du mélange de genre auditif.

« La Fourchette de Pétula » se joue dans le superbe théâtre Le Tambour Royal, que Maurice Chevalier lui-même anima de ses chansons en 1902. Le décor naturel en bois et les peintures remises à jour il y a seulement vingt ans redonne à cette modeste salle une dimension théâtrale authentique et plaisante. C’est dans ce décor que les trois musiciens évoluent, pour notre plus grand plaisir !

La Fourchette de Petula
Mise en scène : David Alexis
Avec : Cécile Jacquillat (violon), Mark Marian ou François Borand (chant), Michel Frantz (Piano)
Assistante mise en scène : Noémie Delavennat
Création Lumières : Jean-Pierre Bouchon, assisté de Maryline Cabrera

Du 2 décembre 2010 au 27 mars 2011

Théâtre Le Tambour Royal
94 rue du Faubourg du Temple, 75 011 Paris – Réservations 01 48 06 72 34
tambourroyal.jimdo.com

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