Critiques // « La Flûte Enchantée » par l’Orchestra di Piazza Vittorio à la MC93

« La Flûte Enchantée » par l’Orchestra di Piazza Vittorio à la MC93

Jan 30, 2010 | Aucun commentaire sur « La Flûte Enchantée » par l’Orchestra di Piazza Vittorio à la MC93

Critique de Monique Lancri

Comparable ? Incomparable ?

Ne nous amusons pas à comparer ce qui n’est pas comparable. Cependant, si Mozart a créé un opéra extraordinaire, la libre adaptation qu’en ont fait Mario Tronco et son complice Leandro Piccioni, à sa manière, ne l’est pas moins. Il ne s’agissait pas pour Mario Tronco de «copier» Mozart mais de s’en inspirer, en imaginant une transmission orale de son opéra à travers le temps et l’espace. Un narrateur suffit pour conter à grands traits l’histoire. Le miracle, c’est que le chef d’orchestre , tel un moderne Noé (ou plutôt un Noé «post-moderne»), a réussi à embarquer dans son arche des musiciens de tous bords. Sont présents des indiens, des tunisiens, des cubains, un hongrois, un américain, un équatorien, un argentin, des sénégalais, une anglaise, quelques italiens , bien sûr, et j’en oublie peut-être. Or ces musiciens sont sur scène et non dans la fosse comme c’est le cas pour les opéras classiques ; car, outre leurs prestations musicales, presque tous jouent des rôles : ainsi les trois joueurs de corde (violon, alto, violoncelle) qu’un simple geste, celui de coiffer un chapeau, transforme en «trois dames», les suivantes de la Reine de la Nuit.

Quelle classe !

Longue silhouette noire que l’on croirait sortie de L’homme qui a perdu son ombre, chez Chamisso, Mario Tronco vient de temps en temps diriger son orchestre ; mais, le plus souvent, il arpente le plateau ou s’assoit près d’un musicien. Il n’est pas, alors, sans rappeler la présence sur scène d’un Tadeus Kantor, dont il possède le charisme. Toutefois, ce n’est pas une «classe morte» qu’il dirige, mais une troupe qui ne manque pas de «classe». D’une vitalité stupéfiante. Animée d’un bonheur d’être ensemble dont le plaisir est très vite communicatif : la salle s’en trouve «transportée». On oublie tout : le chômage, la grippe, le duo Sarko/Villepin … On rit souvent. Et on pleure d’émotion quand la reine de la Nuit vocalise, incarnée par une Petra Magoni fabuleuse, d’une présence à couper le souffle. Même quand celle-ci ne joue pas, assise sur le côté de la scène, on la voit participer de tout son corps à l’action. Musiciens et acteurs, tous les membres de la troupe, par leur excellence, s’emploient à faire passer ce miracle : voyager sans hiatus du jazz à la musique classique, du reggae à un solo de tabla, d’une chora africaine au chant d’une flûte … véritablement enchanteresse.

Art total

Sur le mur, au fond de la scène, au-dessus de l’orchestre, trois grands écrans font défiler en une sorte de dessin animé des aquarelles de Mario Fiorito . Des aquarelles aux tons pastel. Qu’y voit-on? Parfois une silhouette qui nous raconte une histoire: Tamino traversant le feu, Tamino, vainqueur de l’eau. A un autre moment, nous avons droit à une parodie, fort drôle, de roman photo. Mais le plus souvent, il s’agit d’abstraction. C’est très beau, et cela ne distrait pas l’attention, bien au contraire. Car ces lignes, ces ronds, ces carrés, ces pointillés qui cheminent en épousant les pizzicatti de la musique, participent au rythme, contribuant ainsi à transformer la performance de l’Orchestra Di Piazza Vittorio en oeuvre d’art total .

Bref, une fête pour le coeur, l’oreille et les yeux : une fête trop brève. Dommage qu’elle ne dure, à Bobigny, que trois jours.

La Flûte Enchantée
D’après : Wolfgang Amadeus Mozart
Par : l’Orchestra di Piazza Vittorio
Direction artistique et musicale : Mario Tronco, Leandro Piccioni
Aquarelles, animation, décors : Lino Fiorito
Lumières : Pascale Mari
Costumes : Ortensia de Francesco
Assistant aux décors : Carmine Guarino
Animation : Raffaelle Russo
Assistante aux costumes : Katia Marcanio
Avec : Omar Lopez Valle, El Hadij Yeri Samb, Petra Magoni, Sylvie Lewis, Awalys Ernesto Lopez Maturell, Carlos Paz Duque, Houcine Ataa, Raoul Scebba, Ziad Trabelsi, John Maida, Gaia Orsoni, Zsuzsanna Krasznai, Pino Pecorelli, Evandro Dos Reis, Sanjay Kansa Banik

Du 29 au 31 janvier 2010
Dans le cadre du festival Le Standard Idéal

MC 93
1 boulevard Lénine, 93000 Bobigny – 01 41 60 72 72
www.mc93.com

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