À l'affiche, Critiques // La Flûte enchantée, de W.A. Mozart, mise en scène de Suzanne Andrade, Barrie Kosky, animation de Paul Barrit, à l’Opéra Comique

La Flûte enchantée, de W.A. Mozart, mise en scène de Suzanne Andrade, Barrie Kosky, animation de Paul Barrit, à l’Opéra Comique

Nov 08, 2017 | Commentaires fermés sur La Flûte enchantée, de W.A. Mozart, mise en scène de Suzanne Andrade, Barrie Kosky, animation de Paul Barrit, à l’Opéra Comique

© Iko Freesedrama-berlin.de

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Une Reine de la Nuit en immense araignée, Pamina en Louise Brooks, Pamino en John Gilbert, Papageno en Buster Keaton, Monostatos en Nosfératu, des enfants-pages en papillons… Une Flûte Enchantée entre Méliès et Murnau, magie et expressionisme allemand, naïveté et noirceur. Un vrai, un grand bonheur, une très belle réussite. Une mise en scène entre animation et cinéma muet d’une beauté saisissante et d’une poésie au charme fou. Il fallait oser le paradoxe, s’inspirer des codes du cinéma muet, des débuts du parlant, du cabaret berlinois même, pour insuffler à cet opéra, tout à la fois un merveilleux enfantin, un mélo glamour un peu kitch, un humour décalé pour une histoire d’amour et d’initiation. Visuellement, c’est superbe. Pas d’effets spéciaux pour le surnaturel mais la magie du bricolage pour un si magique, celui de l’enfance retrouvée. Le manteau d’Arlequin devenu cadre d’une toile de cinéma, une scénographie volontairement « plate », les chanteurs s’incrustent dans l’écran sans ne rien perdre de leur relief, acteurs d’un film d’animation au graphisme naïf inspiré aussi bien du 18ème siècle que des années 1960 ou de la bande dessinée contemporaine. C’est un mélange détonnant, un univers d’une grande fantaisie qui, étonnamment, garde une merveilleuse cohérence. Chaque scène, découpée en séquence, est un voyage, une découverte, une surprise. Les deux grands airs de la Reine de la Nuit sont des cauchemars pour arachnophobes, Papageno voit des éléphants roses, des fleurs s’ouvrent à l’évocation de l’amour, des petits cœurs palpitent, s’envolent et font pop ! en silence, l’initiation maçonnique est un voyage en ascenseur et une remontée en apnée, échos lointain à Jules Verne… Chaque aria, chaque duo ou ensemble, est ainsi illustré comme autant d’univers indépendant mais se répondant les uns les autres, au plus près du livret, avec toujours tenu le même fil conducteur, la musique de cet opéra emblématique, populaire, qui semble inspirer chaque vignette, lesquelles épousent le rythme de cette flûte réenchantée. Les dialogues sont supprimés et mieux encore sont remplacés par des intertitres comme au temps du cinéma muet, le piano-forte pour accompagnement. Et l’on constate incidemment que la gestuelle des chanteurs d’opéra, surjouée pour l’occasion et comme il se doit, n’est pas sans rappeler celle-là même qui prévalait à l’opéra jusqu’à la révolution callassienne (et qui parfois, hélas, perdure encore). Il y a parfois même de drôles de bulles, phylactère pour des pensées soudaines, des rêves que l’on chante, des espoirs déçus, que surlignent ces gestes outrés et surannés. Alors oui on craque pour cette mise en scène. L’émotion est là qui vous plonge dans les rets nostalgiques de l’enfance perdue. Alors qu’importe si la voix de Tamino manquait un peu de projection, si celle de la Reine de la Nuit était un peu acide… On espérait avec le premier et on craignait la seconde. L’ensemble de la distribution, Pamina et Papageno en tête, portait haut cette production… La salle, emballée, ne boudait pas son plaisir. Un voisin chantonnait, commentait, faisait à chaque tableau des ho et des ah, parfois un peu trop sonore il est vrai. Et derrière moi, d’une voix aigre, piaulait avec cœur et mezza-voce l’air de la Reine de la Nuit une spectatrice pâmée. La mise en scène de Barrie Kosky, Suzanne Andrade et Paul Barrit, crée en 2012 à la Komische Oper Berlin, est une réussite aussi et sans doute parce que transposant avec talent cet opéra au début du cinéma elle fait appel à un art populaire, traversé d’un imaginaire commun.

 

La Flûte enchantée de W.A Mozart

Direction musicale Kevin John Edusei
Mise en scène Suzanne Andrade, Barrie Kosky
Animations Paul Barritt
Conception Collectif 1927 (Suzanne Andrade et Paul Barritt) et Barrie Kosky
Décors et costumes Esther Bialas
Dramaturgie Ulrich Lenz
Lumières Diego Leetz

Avec

Pamina Vera-Lotte Böcker (6, 8, 11, 13 nov.) / Kim-Lillian Strebel (7, 9, 12, 14 nov.)
Tamino Tansel Akzeybek (6, 8, 11, 13 nov.) / Adrian Strooper (7, 9, 12, 14 nov.)
Reine de la nuit Christina Poulitsi (6, 8, 11, 13 nov.) / Olga Pudova (7, 9, 12, 14 nov.)
Sarastro, Orateur Wenwei Zhang (6, 8, 11, 13 nov.) / Andreas Bauer (7, 9, 12, 14 nov.)
Papageno Dominik Köninger (6, 8, 11, 13 nov.) / Richard Sveda (7, 9, 12, 14 nov.)
Papagena Martha Eason
Monostatos Johannes Dunz (6, 7, 8 nov.) / Ivan Tursic (9, 11, 12, 13, 14 nov.)
Première Dame Nina Bernsteiner (6, 8, 11, 13 nov.) / Inga-Britt Andersson (7, 9, 12, 14 nov.)
Deuxième Dame Gemma Coma-Alabert (6, 8, 11, 13 nov.) / Katarzyna Wlodarczyk (7, 9, 12, 14 nov.)
Troisième Dame Nadine Weissmann (6, 8, 11, 13 nov.) / Karolina Sikora (7, 9, 12, 14 nov.)
Premier homme en armure Timothy Richards
Deuxième homme en armure Philipp Meierhöfer (6, 8, 11, 13 nov.) / Alexej Botnarcius (7, 9, 12, 14 nov.)
Trois garçons Tölzer Knabenchor
Chœur Arnold Schoenberg Chor
Orchestre Orchester Komische Oper Berlin
Du 6 au 14 novembre 2017 à 20h
Le 12 novembre à 15h

Théâtre National de l’Opéra Comique
Place Boieldieu
75002 Paris
Réservations 0 825 01 01 23
billetterie@opera-comique.com

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