ƒƒ article de Denis Sanglard
©Pascal Victor
Un soir de réveillon, une femme hurle sa rage et sa solitude. Hurle son besoin d’être aimée, d’avoir un homme, une famille. Hurle sa souffrance de l’abandon. Le mari est parti, elle n’a pas eu la garde de son fils. Hurle sa culpabilité d’avoir perdue sa fille suicidée et pour lequel on la condamne. La femme rompue, étonnant récit de Simone de Beauvoir où la condition féminine est pointée rageusement du doigt. Muriel n’est aucunement libre, quoiqu’elle en dise, et à travers l’âpreté de son discours et de sa mauvaise foi, il y en a, c’est toute la misère des femmes qui émerge. Des contradictions qu’impose une certaine idée du bonheur qui n’est que la soumission à un certain ordre sociétal dominé par les hommes. Muriel est partagée entre cette soif de liberté et le besoin d’être aimée, de combler sa solitude. Muriel n’est tendre avec personne, pas même avec elle, et rend coup pour coup à ceux qui l’accuse. Une grande gueule au vocable de charretier, cru et dru, qui masque à peine l’écorchée. Un vocabulaire d’homme qui bouscule les conventions. Cette femme c’est Josiane Balasko… Elle s’empare de ce rôle et de ce récit avec une rage et une émotion phénoménales. Elle est rugueuse, violente mais derrière cette âpreté c’est un gouffre de souffrance qui transparait, un abyme de solitude. Elle qui affirme « arracher les masques », le sien tombe peu à peu. C’est une femme rompue qui est mise à nue. C’est d’abord le dos au public qu’elle nous apparait, cassée, assise, accrochée sur ce canapé orange qu’elle ne quittera pas. Et c’est de nouveau de dos qu’elle terminera, vaincue. Hélène Fillière a choisi la sobriété et laisse toute la place à son actrice et au texte, dans une lumière mouvante, entre chien et loup, accentuant cette terrible solitude. Entre explosion de rage et silence buté, Josiane Balasko nuance ce récit et ne tombe jamais dans l’outrance. Oui il y a dans cette violence, ce coup de gueule, une certaine et étonnante retenue. Il serait facile de déclarer que ce texte colle à la personnalité de Josiane Balasko. Stoppons là. C’est avant tout l’actrice qui s’empare de Muriel, qu’elle ramène peut être un peu à elle, mais c’est avant tout un rôle de composition. Certes on y retrouve cet absolu qui fait de Josiane Balasko une actrice et une femme engagée. Mais voir en cette création un autoportrait serait simplement réducteur et oublier que Josiane Balasko se met entièrement au service du texte de Simone de Beauvoir qu’elle sert avant tout au plus près et de façon magistrale. Là réside son engagement. Sa vérité.
La femme rompue, d’après Monologue extrait de La Femme rompue de Simone de Beauvoir
Mise en scène Hélène Fillières
avec Josiane Balasko
Lumières Eric Soyer
Costumes Laurence Struz
Décor Jérémie Strelisky
Son Mako
assistante à la mise en scène Sandra ChoquetThéâtre des Bouffes du Nord
37(bis) boulevard de la Chapelle
75010 Paris
du 7 au 31 décembe 2016
du mardi au vendredi à 19h, et le samedi 31 décembre à 19h
réservations 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com
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