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« La Cerisaie » d’Anton Tchekhov, mise en scène Lev Dodine au Montfort

Avr 10, 2015 | Commentaires fermés sur « La Cerisaie » d’Anton Tchekhov, mise en scène Lev Dodine au Montfort

ƒƒ article de Camille Hazard

 

Crédits Photo Viktor Vassiliev

Crédits Photo Viktor Vassiliev

 

Pour la 10ème édition du Festival le Standard Idéal, La MC93 réinvite Lev Dodine, metteur en scène russe et directeur du Maly Drama Théâtre de Saint-Pétersbourg, et programme Gaudeamus, spectacle créé en 1991 et une seconde version de la Cerisaie, la première avait été donnée en 1994 au Théâtre de l’Odéon.
Lev Dodine n’architecture pas cette Cerisaie sur la scène mais devant celle-ci, aux pieds des spectateurs, au milieu d’eux.
Immersion dans un temps suspendu…

 De retour après cinq ans d’absence, Lioubov Andréïevnarevient avec sa fille dans son vaste domaine « qui est le plus beau du monde », La Cerisaie.
Joie et retrouvailles font un moment revivre la maison laissée comme endormie toutes ces années. Si Lioubov avait fui le domaine quand son fils s’était noyé dans la rivière, elle y revient pleine de tendresse pour ce lieu qui l’a vu naître et qui l’enivre de son enfance. Si le temps semble s’être figé à l’intérieur de la maison, à l’extérieur on entend poindre la fin d’une époque.
Lopakhine, fils d’un moujik et petit-fils d’un serf, s’est enrichi, il est maintenant marchand. Il apprend à Lioubov que son amant l’a ruiné, que des dettes se sont accumulées et qu’elle ne pourra pas faire face à ces pertes alors que la cerisaie elle-même ne rapporte plus d’argent comme autrefois. Le couperet tombe, le domaine doit être vendu aux enchères le 22 août…
La nostalgie du lieu et du temps va s’emparer de Lioubov et de son frère qui chercheront jusqu’a la dernière heure un moyen de sauver la cerisaie.
La Russie, en ce début de XXème siècle, connaît un bouleversement avec l’arrivée d’une nouvelle classe bourgeoise dont Lopakhine, devenu marchand, symbolise la venue. Une des réformes du Tsar Alexandre II, favorise l’émancipation des serfs qui appartenaient alors aux propriétés; celles-ci, devenues ingérables par le manque de mains-d’œuvre, sont vendues.

Lev Dodine parvient, par la plus grande des sobriétés, à nous transporter en ce début de siècle. Le temps qui glisse entre nos doigts, la nostalgie du nid familial, les souvenirs prenant possession de la vie devant l’angoisse de la perte et de la mort, autant de sous-textes en filigrane qui sont magistralement orchestrés en petites actions « quotidiennes ». Lioubov embrasse l’imposante bibliothèque des livres de son enfance, les meubles de la maison, recouverts de draps blancs, sont entreposés en bas de la scène comme si, dès le début de la pièce, le domaine était déjà perdu…
Aucune action sur le plateau, seul un voile blanc tendu sur lequel est projeté un film de famille; la beauté de la cerisaie s’y révèle, la nature, les fleurs en fête au printemps… tout un monde bientôt englouti sous les pelles et les pioches pour faire surgir de la terre des centaines de datchas.
Les espaces du domaine sont suggérés derrière des voiles, des portes, seuls les résidents sont regroupés devant la scène au milieu des meubles déchus; image poignante de survivants d’une époque sur leur radeau de fortune.
Le début du spectacle est saisissant par le malaise qu’il procure; Lev Dodine joue sur la question de la représentation au théâtre et le public se retrouve mêlé à un semblant de début de spectacle. Les frontières de la représentation et du réel sont poreuses et le spectateur s’y perd dans un délice d’étrangeté.

 

 La Cerisaie
Texte Anton Tchekhov
Adaptation et mise en scène Lev Dodine
Scénographie Alexander Borovski
Création lumières Damir Ismaïlov
Création vidéo Alisher Hamidkodgaev
Collaboration artistique Valery Galendeiev
Coordination artistique Dina Dodina
Coordination musicale Mikhail Alexandrov
Direction technique Evgeny Nikiforov
Musiques Jacques Thibaud, Paul Misraki, Johann Strauss

Avec la troupe permanente du Maly Drama Teatre :
Elizaveta Boiarskaïa, Tatiana Chestokova, Serguei Kourichev, Danila Kozlovskiy, Stanislav Nikolski, Polina Prihodko, Xenia Rappoport, Oleg Ryazantsev, Ekaterina Tarasova, Igor Tchernevich, Alexander Zavialov.

Du 7 au 18 avril 2015
Du mardi au samedi à 20h30
Spectacle en russe surtitré

Dans le cadre du Festival Le Standard Idéal 10ème édition

Le Montfort
Parc Georges Brassens
106, rue Brancion – 75015
M° Porte de Vanves
Réservations 01 56 08 33 88
www.lemontfort.fr

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