Critiques // « La Ballade de la geôle de Reading » d’Oscar Wilde à la Maison de la Poésie

« La Ballade de la geôle de Reading » d’Oscar Wilde à la Maison de la Poésie

Jan 08, 2010 | Aucun commentaire sur « La Ballade de la geôle de Reading » d’Oscar Wilde à la Maison de la Poésie

Critique d’Evariste Lago et Bruno Deslot

Une peine capitale

Un jeune officier, condamné pour avoir assassiné sa femme, doit être pendu. Bouleversé par cette exécution, Oscar Wilde rédige un véritable plaidoyer contre la peine de mort.

Chef d’œuvre littéraire écrit en 1897, « La Ballade de la geôle de Reading » est un poème fleuve de plusieurs centaines de vers qu’Oscar Wilde écrit à sa sortie de prison. Condamné pour homosexualité et pédérastie, à la suite d’un procès intenté par le marquis de Queensberry, (père de l’amant de Wilde, Lord Alfred Douglas), l’avenir de Wilde est voué aux travaux forcés à la prison de Pentonville puis à Wandsworth, avant de poursuivre sa peine à Reading, où il fait la connaissance de ce jeune officier à qui l’on passera la corde au cou. Profondément ébranlé par cette exécution, Wilde compose un poème contre la peine de mort, véritable plaidoyer en faveur d’une réforme pénitentiaire et fruit d’une réflexion sur l’Angleterre victorienne.

L’écrivain qui relate les derniers jours du meurtrier est à la fois un témoin et un frère, car il a lui aussi été puni pour son amour. Plaidoyer contre l’enfermement et la peine de mort, qui offre des images saisissantes comme le « carnaval de bouffons » des prisonniers qui tournent en rond dans la cour, ou celle de la chaux qui la nuit « dévore les os cassants », « le jour la tendre chair » et « sans cesse (…) dévore le cœur », la ballade est aussi une réflexion sur la culpabilité universelle : « tout homme tue ce qu’il aime ».

La prison des artistes

La mort se mêle parfois à l’amour et les vers de Wilde l’expriment de manière bouleversante. « La ballade de la geôle de Reading » expie le cauchemar, les douleurs et l’angoisse de l’auteur face à l’omnipotence de la justice et ses sentences arbitraires. Céline Pouillon réalise une composition étonnamment puissante qui porte en elle toute la résonance d’un texte, qu’adolescente, son père lui lisait. « On n’écoute pas impunément La Ballade de la Geôle de Reading ». On se l’approprie, on tente d’en cerner les sinuosités afin d’en dessiner plus aisément les reliefs abrupts de cette magnifique mise en abîme de la mort, la passion, l’enfermement, l’amour…

Dans un décor aussi minimaliste qu’une geôle de prison, Céline Pouillon manie l’ombre et la lumière à la manière de Pierre Soulages qui a fait du noir une couleur. Une corde suspendue en fond de scène, dont l’extrémité repose à même le sol, attend sa prochaine victime. Eclairée par un faisceau de lumière, l’objet se personnifie au rythme angoissant de la prose du poète enfermé. Fils de chanvre, mêlés, serrés sur eux-mêmes, comme autant de prisonniers entassés dans leur geôle, imposent une présence menaçante dans un clair-obscur qui invite à la méditation. Une faible lumière projetée sur une palette en bois, dressée à la verticale, suggère les barreaux de la cage dans laquelle les voix s’élèvent vers un au-delà mille fois invoqué. La chair et le sang, sacralisent l’image christique offerte au public lorsque Julie Pouillon, agenouillée, recueille le corps de Stanislas Nordey dans ses bras à la manière de la Pietà de Villeneuve-les-Avignon. « Tout homme tue ce qu’il aime » se plait à rappeler le poète dans une fin extatique et sépulcrale. Diction irréprochable, précision d’une gestuelle répétitive, Stanislas Nordey scande chaque mots du poème avec une tonalité dramatique qu’il veut puissante. Céline Pouillon répond à ces scansions, formant un chœur dont la puissance émotionnelle ne gagne en vérité et justesse qu’à la fin du spectacle. L’ensemble de la composition offre, cependant, des citations esthétiquement abouties.

La Ballade de la geôle de Reading
Texte : Oscar Wilde
Traduction : Henry-D.Davray
Mise en scène : Céline Pouillon
Avec : Julie Pouillon et Stanislas Nordey
Musique : Siegfried Canto
Lumière : Philippe Berthomé
Régie : Emmanuelle Phelippeau-Viallard

Du 7 janvier au 7 février 2010

Maison de la Poésie
Passage Molière, 157 rue Saint-Martin, 75 003 Paris
www.maisondelapoesieparis.com

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