À l'affiche, Agenda, Critiques // Critique • « King Kong Théorie » de Virginie Despentes au Théâtre la manufacture des Abbesses

Critique • « King Kong Théorie » de Virginie Despentes au Théâtre la manufacture des Abbesses

Juin 12, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • « King Kong Théorie » de Virginie Despentes au Théâtre la manufacture des Abbesses

Critique de Denis Sanglard

Gare au gorille !

« King Kong Théorie » de Virginie Despentes est un manifeste féministe – et non ce n’est pas un gros mot- un petit brûlot indispensable qui tord le coup à nombre d’idées reçues, remet les pendules à l’heure, redéfinit les rapports hommes/femmes et surtout, surtout redessine avec justesse la féminité aujourd’hui. C’est quoi une femme aujourd’hui ? Loin des supers modèles, de la femme idéale, Virginie Despentes ose tout simplement parler de celles que l’on planque derrière tout un fatras de typologies abscondes et qui de fait n’existent tout simplement pas. Non, ici on parle des moches, des complexées, des mal-baisées… Des « exclues du grand marché de la bonne meuf ». Les hommes ont leur part dans ce manifeste acide. Remis de façon cinglante à leur place, le sexe fort n’a plus qu’à débander. Virginie Despentes définit une femme virile et ne s’interdit aucun sujet, dont la sexualité et l’expérience du viol. C’est frontal, direct, sans concession. S’il est un futur possible dans les relations entre les deux sexes sans doute l’exemple est à prendre dans le remake de King Kong de Peter Jackson. Oui la bête et la belle s’aiment. Un amour débarrassé des contingences sexuelles, des enjeux de séduction et de domination.  « Je suis plus King Kong que Kate Moss, comme fille. » La femme de demain est une King Kong girl. Ce qui rend indispensable une telle critique c’est que Virginie Despentes ne triche pas. Au premier chef elle parle d’elle et de son expérience, viol, prostitution, porno, en tire un enseignement qui curieusement fait vaciller les certitudes des trente dernières années de combat de nos sœurs guerrières. Question égalité, nous sommes encore bien loin du compte. Les préjugés ont la peau dure, le cuir tanné.

« Il y a des hommes plutôt fait pour la cueillette, la décoration d’intérieur et les enfants au parc, et des femmes bâties pour aller trépaner le mammouth, faire du bruit et des embuscades. »


Il fallait une bonne dose de culot pour s’attaquer à ce texte. Sur scène une sacrée bonne femme nous attend de pied ferme. Une adorable poupée blonde, maquillée, sexy, gironde, sensuelle. La femme parfaite. A laquelle plus d’un mâle sans aucun doute… Mais il faut se méfier des apparences. Ces attributs là, Salima Boutebal, va s’en défaire progressivement et révéler le gorille qui sommeille en elle. Avec une formidable gouaille qui sait se faire grave, elle évite l’écueil du pensum, le syndrome du texte intelligent,  pour nous livrer une performance brute de pomme. Elle va d’un micro où elle balance cash le texte au canapé où la confidence se fait parfois plus douloureuse, pudique. Le corps en avant elle danse aussi. Elle donne ainsi un sacré rythme au texte de Virginie Despentes. Un petit coté punk-attitude rigolard qui vous fait exploser le propos en pleine poire. Car si l’on rit beaucoup, très vite ce qui est énoncé gigote dans notre caboche et nous colle salement comme un vieux sparadrap sous la chaussure. Pourtant Salima Boutebal, véritable boule d’énergie, ne s’appesantit pas. Elle trace. Elle fonce. On sent comme une nécessité, une urgence. Il y a comme un enjeu qui dépasse la théâtralité, quelque chose de plus personnel qui donne à cette représentation une singularité particulière, une sincérité rare. Un engagement plus exactement. Engagement que l’on ressent dans la mise en scène de Cécile Backès qui  n’est en rien démonstrative mais plutôt un contre-pied heureux. Une mise en scène au cordeau, serrée, qui offre toute la place au texte et à Salima Boutebal, magnifique gorille.

King Kong Théorie
De Virginie Despentes ( éditions Grasset, 2006)
Version scénique :  Salima Boutebal et Cécile Backès
Mise en scène : Cécile Backès
Avec Salima Boutebal et la voix de Félicien Juttner
Concepteur sonore: Benoît Faivre
Lumière : Jean-Yves Courcoux
Costume : Elise baldi

Du 10 juin au 1 Août 2012 – Les dimanche, lundi, mardi, mercredi à 21 h

Théâtre la manufacture des Abbesses
7, rue Véron 75018 Paris
Métro Abbesses
www.manufacturedesabbesses.com
Réservation : 01 42 33 42 03

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.