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Jusque dans vos bras, par les Chiens de Navarre, au Théâtre des Bouffes du Nord

Nov 09, 2017 | Commentaires fermés sur Jusque dans vos bras, par les Chiens de Navarre, au Théâtre des Bouffes du Nord

 

© Loll Willems

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Les Chiens de Navarre montrent de nouveau leurs crocs affutés. Plus enragés que jamais. Ils mordent férocement aux mollets d’une France rancie, d’une petite bourgeoisie moisie et bien-pensante, libérale et percluse de suffisance idiote aux relents identitaires et réacs… Ces chiens-là, en bons gardiens libertaires, aboient et la caravane de nos petitesses et nos lâchetés, de nos peurs, s’effondrent piteusement. Sujet brûlant et vaste fourre-tout idéologique tant il ne veut rien dire, l’identité nationale est au cœur de cette nouvelle création punk. Punk, car en filigrane c’est bien un no futur inquiétant qui se profile à l’horizon. L’horizon étant cette ligne imaginaire qui recule plus on s’en approche. C’est justement cette appréhension problématique et impossible d’un sujet qui échappe à toute définition aussitôt abordé, un vide idéologique propre à toute récupération nauséabonde qui est passé ici à la broyeuse de leurs mâchoires canines, mises en appétit par le climat délétère de notre société en crise. Les Chiens de Navarre, sans craindre la polémique, déchiquètent avec brio la question de l’identité française, de la crispation voire la haine envers l’étranger au nom d’une défense des valeurs et de la culture française. Quelles valeurs et quelle culture française s’interrogent nos chiens de Navarre dézinguant joyeusement, férocement, toute cette rancœur amère, ce fatras idéologique nauséabond. Radiographie d’une France en perte de repère, agrippée à son drapeau sur lequel on pleure avant de s’écharper autour, à son identité illusoire. Jusque dans vos bras, grattant le vernis jauni et cloqué de la bien-pensance, met à jour notre mauvaise conscience collective. Racisme, antisémitisme, homophobie, migrants… Tout ça est jeté en vrac, sur le plateau, succession de tableaux irrévérencieux et mordants, féroces, où le pire et le rire adviennent avec les meilleures mauvaises intentions du monde. Enterrement d’un policier dégénérant en pugilat sanglant, déjeuner sur l’herbe entre quadra réacs et racistes, employé de l’OFPRA en burn-out… Le public lui-même mis à contribution pour saisir la corde d’un canot de migrants en perdition, sur la musique d’Interville, entouré de « candidats » déguisés en requin pour les en empêcher – il fallait oser, ils l’ont fait – se fait reprendre sèchement. Ces même-migrants accueillis, hébergés chez des bobos qui leur posent en préambule cette question « vous avez fait un bon voyage ? »  Et l’on y croise même des figures nationales, celles-là même brandies comme étendards identitaires, ici foutrement malmenées. Jeanne d’Arc, en partance pour le Puy du Fou pour se faire « décapsuler », Marie-Antoinette – l’étrangère – le cou tranché, et Brahim-Charles de Gaulle (un acteur maghrébin d’1m48). Ajoutons un pape noir, lequel chante « Quoi ma gueule ! » Deux cosmonautes en mission pour interroger le futur… Et notre irréductible gaulois Obélix pour y répondre et consoler. Un sacré raccourci.  Rien donc, ni personne n’échappe à leur irrévérence salutaire. Tout ça est rondement mené, foutrement bien vu, cogne juste. Le constat est sans appel. Le rire exutoire. Et nouveauté quand même, moins de culs et de bites à l’air (une seule, comme un rappel) mais une vraie écriture, chose nouvelle, et de nouveaux compères, d’autres partis aboyer ailleurs. C’est éreintés que nous sortons du Théâtre des Bouffes du Nord d’avoir été ainsi mordus jusqu’à l’os. Métro La Chapelle, les tentes, le froid et la brutalité de la réalité sont toujours là. On ne rit plus.

Jusque dans vos bras par les Chiens de Navarre

Mise en scène de Jean-Christophe Meurisse

Collaboration artistique Amélie Philippe
Régie générale et création lumière Stéphane Lebaleur
Création et régie son Isabelle Fuchs
Régie son Jean-François Thomelin
Régie plateau Flavien Renaudon
Décors François-Gauthier Lafaye
Création costumes Elisabeth Cerqueira

Avec Caroline Binder, Céline Fuhrer, Matthias Jacquin, Charlotte laemmel, Athaya Mokonzi, Cédric Moreau, Pascal sangla, Alexandre Steiger, Brahim Takioullah, Maxence Tual, Adèle Zouane

Du 7 novembre au 2 décembre 2017
Du mardi au samedi à 20h30
Matinées dimanche 19 et 26 novembre à 16h

Théâtre des Bouffes du Nord
37bis boulevard de la Chapelle
75010 Paris

Réservation 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

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