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Critique • « Je suis venue » de Gaspard Delanoë à la Maison des Métallos

Oct 17, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Je suis venue » de Gaspard Delanoë à la Maison des Métallos

Critique de Djalila Dechache

Peut-on danser un plan de paix ? A la fois titre complémentaire du spectacle et titre de la brochure de rentrée de la Maison des Métallos, « Je suis venue » est une proposition artistique atypique.
Dans la salle nue, sombre, une carte géographique raturée de type colonial qui serait fournie par un éternel Deyrolle, présente une partie zoomée du monde méditerranéen, celle du Proche-orient, rectangle du non-aboutissement, là où les négociations ne donnent rien. On se croirait à l’ONU, pas moins ! Des porteurs de projets, de décisions, lisent leur communication après d’âpres discussions. Leurs voix sont blanches, passées au filtre du micro, froides, dans l’énonciation, entrecoupées d’effets d’humour, discrets puis de plus en plus francs.
Comme cette liberté de ton n’existe pas, que rien n’aboutit et que cela devient franchement plus tenable, alors il faut inventer, innover, chercher d’autres moyens.

© Victor Ede

Les Mots

Une femme, un homme chacun réparti de droite à gauche, du haut de son pupitre, dans la pénombre, au milieu de la scène, la carte qui serait le fléau de la balance, annoncent un plan de paix, la femme l’énonce en arabe, l’homme le traduit en français.
Cette partie est un peu longue il faut bien le dire, mais sans doute à l’image de ce qui se passe sur le scène internationale de la réalité, les négociations sont toujours longues surtout lorsqu’il s’agit d’un partage de terres, d’un partage des eaux, de donner de la dignité.
Le spectacle imaginé et écrit Gaspard Delanoë ne nous prive pas d’humour (les territoires inoccupés, le mur de la fierté…), de clins d’œil, de chansons, du drapeau érigé avec l’hymne correspondant qui n’est autre que la célèbre chanson égyptienne du grand Mohamed Abdelwahab, intitulée « Balach ti bousni » chanson qu’il a créé pour sa mère qui lui disait ces mots qui signifient « ne m’embrasse pas sur les yeux, cela annonce ton départ à jamais ».
Il y a aussi la recette de l’houmous que tout un chacun a goûté au moins une fois dans sa vie, qui est donné comme le plat universel de la méditerranée et au delà.
C’est la démarche de la compagnie Humus que l’on peut entendre également par houmous.

© Victor Ede

Le Corps

Ensuite, la femme, Yalda Younès, descend de son estrade se pose sur le rectangle délimité en soufflant un « je vais vous le dire clairement » après avoir défait ses cheveux et se jette dans la danse, en solo, au centre du plateau. Elle nous entraîne dans un tourbillon d’énergie et de bouillonnements.
Parfois l’homme la rejoint pour lui répondre ou l’accompagner.
Comme c’est une démarche inattendue de mêler aussi intimement discours officiel politique et création chorégraphique, que la durée est courte mais le propos très dense, on sort de là un peu déboussolé !
On se dit que c’est osé, audacieux et que cela devrait donner des idées aux grands de ce monde qui nous gouvernent et qui passent beaucoup de temps autour des tables de négociation.
Yalda Younès rend visible quelque chose qui ne l’est pas pour nous : elle frotte les paumes de ses mains, ses bras se lancent en avant en un mouvement saccadé, nous donne l’impression qu’elle va chercher l’énergie dans l’air, y trouve son élan, pivote, pirouette, s’emballe et se fond dans la circularité du corps de la danse propre au flamenco.
Sa danse est multiple, faite de métissages, de féminité, de géométrie dans l’espace, d’orients dont elle seule a le secret.
La chorégraphie est signée de Israel Galvan, considéré comme « le Nijinski du flamenco », artiste largement reconnu au style iconoclaste et très affirmé.

Une jeune spectatrice âgée de onze ans a donné son ressenti à l’issue du spectacle : « c’est le plus beau spectacle que j’ai vu et la danseuse est très bien ».

Une réponse sans appel.

Je suis venue
Conception et écriture
: Gaspard Delanoë
Chorégraphie
: Israel Galván
Interprétation
: Yalda Younès, Gaspard Delanoë
Lumière
: Béatrice Le Sire

Du 14 au 21 octobre 2011
Du mardi au vendredi à 20h, samedi 15/10 à 16h, dimanche 16/10 à 16h, relâche le 17/10

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e
Métro Couronnes, Parmentier – Réservations 01 47 00 25 20
www.maisondesmetallos.org

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