Critique de Solveig Deshamps –

« Plume ou grain orageux sur toutes les zones »

Ils nous faisaient tourner en bourriques ces deux là. C’est qu’ils en avaient sous la plume Bory et Charensol dans leurs offensives cinématographiques orageuses et critiques du dimanche soir sur France Inter. En 1964 Jean-Louis Bory (écrivain avec un Goncourt à 26 ans, journaliste, critique de cinéma et scénariste) rejoint l’équipe du Masque et la Plume, c’est le politique du duo Bory Charensol, Georges Charensol (journaliste, critique d’art et de cinéma, fondateur du prix Renaudot) quant à lui participe à l’émission depuis 1958, plus instinctif, il argumente et désargumente, s’affronte et se confronte à son camarade Bory.
Camarades, en fait ils ne l’étaient pas vraiment dans la vie.

© Manuelle Toussaint | Starface

Sur l’écran noir de la radio, eux ils se font du cinéma, Ah ! Ah ! Ah !

Qu’est ce qu’il leur a pris un jour, au café, avant un enregistrement de l’émission de mettre en scène leurs dissensions ? Envie d’attiser leurs jubilations intellectuelles, s’empêcher de se détester ? Qu’est ce qu’il lui a pris à François Morel (Lapin chasseur… les Deschiens… Le soir, des lions… le vendredi matin chroniqueur sur France Inter… ) de nous montrer à voir sur un plateau ce qu’on se régalait à écouter ? Bien lui en a pris…

Force et folie des Oliviers : Bory-Broche et Charensol-Saladin

Ils sont dans un vieux cinéma, peut-être un cinéma d’art et d’essai du quartier latin (il en reste encore !), un piano comme du temps du cinéma muet, l’ouvreuse à la robe rouge (Lucrèce Sassella) qui va chanter, danser et les faire chanter et danser entre deux critiques de film, drôle, décalée, mieux, beaucoup mieux que les pop-corn, pour tout dire absolument juste et indispensable face à ces deux drôles de bougre.
Ça commence par « Bande à part » de Godard et une colère rouge de Charensol, ça passe par « Théorème » de Pasolini et « Le Corniaud » d’Oury avec la vision politique de Bory et l’incompréhension toujours rouge de Charensol et aussi « La grande bouffe » de Ferreri… et aussi…

© Manuelle Toussaint | Starface

A chaque critique une mise en jeu, une petite folie et aussi une vraie connivence d’acteurs même si parfois le procédé semble s’épuiser c’est toujours avec légèreté, peut-être que si la jolie fille à robe rouge arrivait dans la salle avec son panier à friandises, on se laisserait aller à manger un petit esquimau, fins prêts pour une autre séance.
François Morel nous fait entrer dans sa déraison et sa causticité, remarquez on le savait déjà qu’il savait y faire.
Avoir de bons copains comme les deux Oliviers, c’est pas le radeau de la méduse mais c’est un beau plateau de l’amuse et même plus, ça ne pouvait mieux tomber pour raconter Bory et Charensol.

Cris et chuchotements

Dernière critique d’Instants Critiques. Cette fois Bory et Charensol sont sur le même bateau mais Pince-mi se jette à l’eau. Il reste qui ? Charensol qui en perdu ses pinces. Ce n’était pas leur dernière critique ensemble mais elle est bien cette idée de François Morel de laisser partir Bory avec le film de Bergman. Bien sûr que Bory n’est pas mort d’un cancer de l’utérus comme dans le film, une arme à feu c’est beaucoup plus rapide.
Tiens, faudrait aller plus souvent au cinéma avec les amis et surtout après se retrouver au café et polémiquer à voix forte pour se sentir vivant.

Instants Critiques
De et mise en scène : François Morel
D’après : Les échanges entre Georges Charensol et Jean-Louis Bory à l’émission radiophonique «Le Masque et La plume» sur France-inter
Avec : Olivier Broche, Olivier Saladin, Lucrèce Sassella
Adaptation : François Morel et Olivier Broche
Collaboration artistique : Christine Patry

Du 4 au 23 octobre 2011
Mardi, vendredi et samedi à 20h30, mercredi et jeudi à 19h30, dimanche à 16h (relâche le 9/10)

Théâtre 71
3 place du 11 novembre,  92 240 Malakoff
Métro Malakoff-Plateau de Vanves – Réservations 01 55 48 91 00
www.theatre71.com

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