ƒ article de Denis Sanglard

© Francois Passerini

Ils sont quatre perdus dans New York. Quatre paumés à la recherche d’un sens à leur vie qui se délite, une liberté, celle «  de se permettre », qui leur échappe. Rien ne les satisfait, ni l’amour, ni le sexe, ni la drogue. On avorte, on se suicide, on est vegan. Trois viennent des pays de l’Est, les quatre mourront à Berlin. Car la mort est là, le suicide est la dernière alternative pour atteindre cette liberté, pour échapper au vide existentiel qui les taraude et ne les lâche pas. Insoutenables longues étreintes pourrait se résumer à cela, seulement voilà, c’est un peu plus complexe. Parce que soudain ces personnages-là entendent une voix interne, laquelle les envahit, décide de leur destin, établie entre eux des connexions. « La voix de l’univers » pour l’un, « un être d’une autre galaxie » pour un autre, « une impulsion », « une énergie »…et ce qui était un constat, un regard sur une génération perdue en quête de sens devient tout soudain une vision post-new-age, voire sectaire et apocalyptique, pour le moins étrange sinon invraisemblable. Il faut se laisser convaincre de cette irrationalité qui surgit ou prendre cela au second degré pour ne pas décrocher ou en rire. Après tout nous sommes au théâtre, tout est possible se dit-on. Et il faut la réelle force de conviction des comédiens, leur talent, leur énergie communicative, pour que ça passe bon-gré mal gré… Avec cette difficulté d’une langue complexe où l’acteur ne joue pas mais parle de son personnage à la troisième personne tout en l’interprétant, tout en décrivant de façon concrète les faits et l’environnement. Ce n’est pas tant lui, l’acteur, que l’histoire qui importe. Cela tient comme le dit lui-même le metteur en scène du « Talk-show en adresse directe au public ». De fait la tension ne se relâche pas, ne peut se relâcher, dans cet espace scénographique qui tient à la fois d’un studio, d’un espace mental, d’une antichambre où se cogne sans échappatoire ces quatre en perdition. Lequel s’ouvrira à la lumière, un mur s’écroulant, en toute logique, au vu de la progression des personnages vers « leur libération », ce quadruple suicide pour rejoindre une autre dimension, cosmique appelons cela comme ça, où enfin sera possible l’expression d’une jouissance réelle et sans contingence, loin de ces insoutenables longues étreintes qui donnent leur titre à cet opus. Galin Stoev signe une mise en scène frontale et dynamique, levant avec aisance les difficultés narratives de ce texte singulier dont il tire le meilleur parti, une dynamique, un élan qui ne s’essouffle pas et qui entraîne, à condition qu’il se convainque de ce qui est dit, le spectateur dans ces destins fracassés, ce voyage initiatique ou la résilience ne passe que par la mort. Accepter comme les personnages d’entendre une voix intérieure qui vous ordonne. Personnellement, sans être insensible à cette création, je suis resté sourd.

Insoutenables longues étreintes d’Ivan Viripaev
Traduction de Sacha Carlson et Galin Stoev
Mise en scène de Galin Stoev
Scénographie Alban Ho Van
Vidéo Arié Van Egmond
Lumières Elsa Revol
Son Joan Cambon
Assistanat à la mise en scène Virginie Ferrere
Décor sous la direction de Claude gaillard et costumes sous la direction de Nathalie Trouvé réalisés dans les ateliers du Théâtre de la Cité
Avec Pauline Desmet, Sébastien Eveno, Nicolas Gonzales, Marie Kauffman

Du 18 janvier au 10 février 2019
Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h

La Colline-Théâtre National
15 rue Malte-Brun
75020 paris
Réservation 01 44 62 52 52
Billeterie.colline.fr

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