Critiques // « Histoire de la Princesse de Montpensier » d’après Madame de Lafayette / Festival Seules en Scène

« Histoire de la Princesse de Montpensier » d’après Madame de Lafayette / Festival Seules en Scène

Mai 21, 2011 | Aucun commentaire sur « Histoire de la Princesse de Montpensier » d’après Madame de Lafayette / Festival Seules en Scène

Critique de Djalila Dechache

Les mois de mai et de juin sont devenus propices à des temps forts dans le domaine du théâtre avec de nouveaux festivals qui fleurissent. Le festival Seules en scène, première édition en mai 2011, a été imaginé et porté par Olivier Meyer, le directeur du théâtre de l’Ouest Parisien. Il précise à la fin de la représentation devant les principaux protagonistes que le temps leur a manqué et qu’il a fallu le monter en travaillant d’arrache-pied afin de le présenter ce soir.

Sept femmes, auteures, comédiennes ou metteuses en scène ont reçu la même commande : monter des monologues issus de textes d’auteurs confirmés et connus qui traversent le temps ou écrits aujourd’hui.

Dans « Histoire de la princesse de Montpensier », fiction avant la lettre de 1662 écrit par Madame de Lafayette (1634-1693) qui tenait son salon littéraire, il est question des dangers de la passion amoureuse qu’une toute jeune fille rencontre avant son mariage.
L’action se passe sous le règne de Charles IX où grondent en toile de fonf une guerre et le massacre de la Saint-Barthélemy de 1572.

Marie-Armelle Deguy

Rattachée au courant littéraire du XVIIème siècle de la préciosité, répandu en France où la noblesse des mots et des sentiments sont préférés, Madame de Lafayette présente une intrigue de cour pas très intéressante, même si les prémices de son chef d’œuvre « La princesse de Clèves » sont déjà là, dénonçant les dangers de la passion.

La sobre mise en scène de Jacques Vincey table sur le décor qui permet de suivre les variations du récit et des sentiments. C’est le jeu de lumières qui crée l’atmosphère de faux-semblants, de cache-cache, de musique et de silence, de jeux de miroirs et d’ombre, de cour à jardin et de jardin à cour.

Il ne se passe pas grand-chose dans ce texte statique, narratif, descriptif qui épouse les circonvolutions des sentiments amoureux à trois personnages qui correspondrait aujourd’hui au trio infernal du théâtre bourgeois : le mari, la femme, l’amant. Alors on imagine que tout le monde intrigue, hommes et femmes, valets et femmes de chambre, boudoirs, antichambres et taffetas, avec perruques poudrées, teints blafards piqués de mouches, poitrines pigeonnantes enserrées dans des corsets qui font chavirer pour un oui ou pour un non ces femmes bien délicates qui mourraient d’amour au fond d’une alcôve ou dans un couvent quand d’autres meurent de faim le ventre ouvert.

Tout cela est charmant bien sûr, mais on perd pied bien vite, on s’ennuie à l’écoute de ce texte et l’on se dit qu’un seul coup d’éventail l’enverrait bien vite aux oubliettes !

Bien sûr tout le monde n’est pas Choderlos de Laclos et son célébrissime couple mortel Marquise de Merteuil et Valmont dans « Les liaisons dangereuses ». Que reste-t-il de la nouvelle de Madame de Lafayette et de ces amours contrariées ?

A vrai dire pas grand-chose justement et le dommage est là… A moins qu’un travail de fond soit mené avec des jeunes pour enjamber les siècles, du XVIIème au XXIème en mettant l’accent sur les variations de l’inclination pour quelqu’ un n’est rien d’autre que le “kiffer” des jeunes d’aujourd’hui, à la manière du film « L’esquive » de A. Kechiche où Marivaux tient le pavé et se prend un coup de jeunesse inouïe. Et là on fait passer quelque chose de magnifique de l’ordre de la transmission entre les siècles, entre les sociétés, entre les textes, entre les humains et la vie, ce fil ininterrompu à travers le temps.

Sur scène une comédienne confirmée, Marie-Armelle Deguy et une musicienne Constance Luzzati qui manie la harpe avec talent, toutes deux peignent pour nous les tableaux des sentiments tourmentés des personnages. Marie-Armelle Deguy connaît bien la langue classique française, les textes difficiles à la métrique particulière et complexe. Elle s’anime sans cesse face à la difficulté de ce texte linéaire pas très aisé pour le théâtre nous retenant jusqu’au bout par sa grâce et sa malice.

Histoire de la Princesse de Montpensier
D’après : Madame de Lafayette
Avec : Marie-Armelle Deguy
Harpe : Constance Luzzati
Musique : François Couperin, Louis Couperin, Jean-Henri d’Anglebert, Jacques Duphly, Jean-Philippe Rameau, Pancrace Royer

Les 19 et 20 mai 2011
Dans le cadre du festival
Seules en Scène

Théâtre de l’Ouest Parisien
1 place Bernard Palissy, 92 100 Boulogne Billancourt – Réservations 01 46 03 60 44
www.top-bb.fr

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