Critique de Denis Sanglard –

« Heureuse ? » s’interroge Hélène Delavault au Lucernaire où elle tient salon jusqu‘au 6 mars. Dissertation, interrogation sur le bonheur, le sujet est vaste. On sait la dame, chanteuse lyrique à la voix chaude de mezzo soprano, fine lettrée, en cela héritière d’Yvette Guilbert dont elle a suivi les traces, avec le même humour, la même ironie, la même gourmandise des mots.

© Jean Tholance

Hélène Delavault qui fut Carmen sous la houlette de Peter Brook, La Périchole de Jérôme Savary, depuis longtemps nous concocte des récitals d’une grande intelligence, puisant dans un vaste répertoire, cabaret, café-concert, chanson populaire… Ou ses propres compositions. Variations sur un même thème, avec classe mais non sans ironie, Hélène Delavault décline les affres de nos contemporains. La quête du  bonheur selon notre divine diva est devenu une obligation. Merci Freud, mai 68, les droits de l’homme et la révolution sexuelle… Le résultat semble plus qu’aléatoire.

Les modes passent, les mœurs évoluent mais au fond nos atermoiements ne varient guère. Chacun cherche son chat où il peut. Dans l’amour ou la guerre, c’est toujours la quête du graal. Sans occulter un point de vue strictement féminin sinon féministe puisque ces dames  ont fait sans doute de l’amour leur affaire plus que les hommes. Ce n’est pas la belle-au-bois-dormant qui nous contredira, dont le point de vue peut égaler celui de Madame du Châtelet. Hélène Delavault ne se contente pas de chanter. Le récital est émaillé de citations, de textes fort savants, intelligents mais non pédants dits avec une certaine jubilation, une distance, une ironie irrésistible. Pensionnaire « Des papous dans la tête » sur France Culture, Hélène Delavault trousse certains textes de sa compositions, exercice de style non dénué de pertinence et de drôlerie, transformant la scène en ouvroir de littérature potentiel.

Excellente comédienne, chaque chanson de ce répertoire judicieusement choisi a sa propre atmosphère. Tout est finement incarné sans jamais forcer le trait. C’est certes drôle et même hilarant mais pas seulement. Parfois grinçant, parfois tragique, le bonheur ne semble pas rendre forcement toujours béat. Hélène Delavault revisite même un répertoire ressassé mais avec un autre point de vue qui donne une vision singulière et neuve, dépoussiérée. « Mon homme » perd ainsi de la gouaille de Mistinguett pour une interprétation désabusée, presque désespérée. « J’vieillis » de Michel Jonaz vire au tragique le plus noir. Et la toute dernière chanson est une véritable surprise qui conclut ce récital de façon définitive en répondant on ne peut mieux à la question posée: «  Heureuse ? ».

Heureuse ?
Conception et interprétation : Hélène Delavault
Composition et arrangement musicaux : Cyrille Lehn
Au piano : Cyrille Lehn ou Victorien Vanoosten
Lumières : Jean Grison

Du 26 janvier au 6 mars 2011

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame-Des-Champs, 75 006 Paris – Réservations 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr

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