© Rahi Rezvani

ƒƒ article de Denis Sanglard

Apocalypse Shechter. Le chorégraphe israélien, issu de la Batsheva Danse Company, signe une création intense et dense. Vision d’un monde, le nôtre assurément, en pleine déroute, en plein chaos. La mort rôde, les corps tombent, la rage de vivre l’emporte. Pièce d’une grande tension où la musique, entre orchestre de chambre présent sur le plateau (on perçoit nettement la référence ironique au Titanic) et percussions martelées, sons électro assénés et voix en boucle comme des mantras, participent à l’ensemble, indissociables. Le résultat est d’une puissance inouïe, d’une énergie qui ne faiblit jamais. C’est un maelstrom continu, un ouragan qui balaie le plateau sans jamais faiblir, à peine si l’on peut  prendre le temps de respirer. Hofesh Shechter accumule les propositions qui s’enchaînent sans discontinuer, par vagues successives, dans un tempo infernal, avant de revenir en boucle… Images foudroyantes de corps soudain inertes que l’on relève, pantins désarticulés obstinément manipulés par des survivants comme un refus de l’inéluctable. Ou que l’on évacue, cadavres encombrants. Corps en marche, bouches grandes ouvertes dans un cri muet, étranglé. Corps qui se cherchent, se heurtent, se chassent. Corps en résistance. Dans l’urgence absolue et l’ivresse totale. Grand Finale c’est un tombeau pour l’Humanité sur lequel on danse avant de s’y précipiter. Hofesh Shechter joue sur la vitesse, la vélocité de ses interprètes qui, avouons-le, sont formidables de présence, de technique, d’expressivité et d’interprétation. Le chorégraphe opère avec la danse comme il le fait avec la musique, il mixte, il brasse, c’est un vaste melting pot entre danse contemporaine et folklorique, un creuset pour une danse sans frontière embrassant le monde dans sa globalité. Une danse collective qui précipite les interprètes dans une spirale, une énergie commune qui embrase le plateau. Et la salle. On reste quelque peu médusé, abasourdi, devant ce flot incompressible, ininterrompu de musique et de danse projetés avec force sinon violence qui avance tel un tsunami et qui ne vous laisse pas de répit. Il y a quelque chose de profondément désespéré qui s’exprime là, dans cette course en avant qui ne semble pas avoir de but sinon exprimer un refus devant cette apocalypse contemporaine et notre impuissance, voire notre indifférence devant elle. Seulement voilà, Hofesh Shechter à trop vouloir séduire et convaincre – il souhaitait là, comme il l’a lui-même exprimé, quelque chose de spectaculaire – en oublie cette petite part d’Humanité, qui ne l’est justement pas, spectaculaire, cette indicible résistance, ce sursaut qui aurait pu faire basculer la représentation dans une dimension sans doute moins consensuelle, ce qu’elle est, mais plus abrasive et percutante. La danse est donc spectaculaire mais elle ne reste que spectaculaire, formelle même, une fois dépouillée de ce déluge, au demeurant superbe, qui la noie. Trop maîtrisée, défaut de sa qualité, elle ne laisse en vérité pas de place au chaos, son propos. On reste séduit, on ne peut être que séduit par la force et le traitement impressionnant, et voulu comme tel, de cette proposition, mais on reste tout au bord sans jamais basculer tête la première dans cet enfer promis.

Grand Finale chorégraphie et musique Hofesh Shechter

Avec Chien-Ming Chang, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Mickael Frappat, Yeji Kim, Kim Kholmann, Erion Kruja, Merel Lammers, Attila Ronai, Diogo Sousa
Musiciens James Adam, Chris Allan, Rebekah Allan, Mehdi Ganjvar, Sabio Janiak, Desmond Neysmith
Scénographie et costumes Tom Scutt
Lumières Tom Visser
Assistante à la scénographie Rosie Elnile
Musique originale Hofesh Shechter avec la collaboration de Nell Catchpole et Yaron Engler
Percussion sur bande sonore Hofesh Shechter, Yaron Engler, transcription de la partition Chris Allan

Coréalisation La Villette-Théâtre de la Ville

Du 14 au 24 juin 2014
Du lundi au samedi à 20h30

La Villette
Grande Halle
211 avenue Jean Jaurès
75019 Paris

Réservations 01 40 03 75 75
www.lavillete.com

Réservations Théâtre de la Ville 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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