Critique d’Audren Destin –

La question que se pose tout spectateur de théâtre à un moment donné est la suivante : pourquoi ? A cette question il existe de multiples réponses, mais sont-elles toutes satisfaisantes ?

Pourquoi suis-je venu ?

Parce que je suis accompagné de trois amies charmantes. Parce que je suis curieux et que tout est bon à prendre. Parce que je ne connais pas Gombrowicz. Parce que ça avait l’air sympa sur le papier.

Pourquoi suis-je resté ?

Parce qu’au moment où je me posais ces questions, le spectacle venait seulement de commencer, il restait donc de l’espoir.  Ça commence mal. Le rideau d’avant-scène est encore fermé et devant, des couples de présentateurs, en smokings et robes de soirées, prononcent dans leurs micros des phrases incompréhensibles (est-ce délibéré ou est-ce dû à un mauvais réglage du son ?) sur une musique de type jazz-swing supermarché. Ils se bousculent, s’agitent d’un bout à l’autre de la scène, se cassent la gueule, font des imitations et ça dure bien cinq minutes. C’est juste un mauvais moment à passer. Puis le rideau s’ouvre sur un décor étrange. Sur la droite un petit salon constitué d’une table et d’un canapé, derrière un bloc de rochers et sur la gauche un espace libre. Et là on a droit à tout, tout ce qui fait du bruit. Coussins péteurs, musique à fond, klaxons, hurlements, bref c’est le bordel. « Je comprends rien » m’a dit mon amie à ma droite au bout de vingt minutes. Un quart d’heure plus tard, elle ajoutait : « Il nous manque les références, en fait tout cela à un sens, c’est inspiré d’une œuvre ».

© Laurent Friquet

Rappelons-le, la pièce est inspirée de l’œuvre de l’écrivain polonais Gombrowicz. Il s’agit « de récupérer chez lui ce qui semble nous appartenir, pour nous en débarrasser » affirment Sophie Perez et Xavier Boussiron. On ne peut être plus clair.

J’me gave de littérature dit-elle en mâchant les pages du livre.

Et puis il y’a eu cette rupture. Un des acteurs, en smoking, s’est approché du public avec calme : « J’suis avec Stéphane derrière et on voit les visages des gens du public et on voit des regards bien perdus, voire complètement largués. » Là je me suis dit : bon, ils ont tout de même une conscience. Ils sont alors venus chercher un pauvre diable dans le public et l’on installé sur la scène, sur un rocher.

A partir de ce moment, je me suis détendu. Ils sont cinglés mais ils sont sympathiques, et dans tout ce brouhaha, il y a des moments très drôles. Parmi les quelques imitations, on retiendra celle de Jacques Chancel, d’Haroun Tazieff, de Roman Polanski avec de longs cheveux roux ou encore celle d’Olivier Py : « Le silence est au théâtre ce que le sel est à la mer. » On retiendra également l’accouchement d’un monstre à plume opéré par des hommes verts avec un grand front. Les membres de la compagnie du Zerep aiment les déguisements, ils ne passent pas dans une ville sans s’arrêter au magasin de farces et attrapes. Les costumes et masques sont en effet très variés et colorés.

A la fin du spectacle, un des acteurs lit un passage du livre qu’a écrit la femme de Gombrowicz où elle relate notamment la mort de celui-ci. Bien que je m’interroge sur la cohérence de l’ensemble, cette dernière partie nous ramène au calme. C’est un spectacle étrange, délirant, énervant mais plein de bonnes intentions.

Gombrowiczshow
Conception : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Par : la Cie du Zerep
Avec : Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Marlène Saldana et les musiciens Marie-Pierre Brébant, Xavier Boussiron
Textes : Sophie Perez, Xavier Boussiron, Witold Gombrowicz, Rita Gombrowicz
Scénographie : Sophie Perez et Xavier Boussiron
Costumes : Sophie Perez et Corinne Petitpierre
Musique : Xavier Boussiron
Image et régie générale : Laurent Friquet
Lumière : Fabrice Combier
Régie lumière : Jérôme Delporte
Régie son : Felix Perdreau
Régie plateau : Anne Wagner dit Reinhardt
Réalisation décor : François Maréchal, Dan Mestanza, Studio Polo
Réalisation du rideau d’avant-scène : Société Gerrietz
Réalisation des accessoires et costumes : Atelier du TNC

Du 6 au 9 mai 2010

Centre Pompidou
Place Georges Pompidou, 75 004 Paris
www.centrepompidou.fr

www.cieduzerep.blogspot.com

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