ƒ article deCamille Hazard

© DR

Se rendre au théâtre pour assister à un nouveau spectacle de Castellucci, c’est la promesse d’être secoués, ébranlés et de vivre des moments de grâce.

Le spectacle ne prétend pas retracer la vie de Moïse mais s’empare des thèmes de l’Histoire tout en personnifiant à sa manière les trois personnages principaux : Moïse, Pharaon et le peuple juif.

Go Down Moses porteles composantes dramatiques chères à Castellucci. Les acteurs, transformés par le metteur en scène en figures statuaires et en représentation picturale, sont séparés de nous par une toile tendue qui accentue l’effet de tableau ; l’oubli du détail au profit des formes.

Une turbine assourdissante, broyant des cheveux de femmes, crie l’horreur de l’industrialisation et des technologies envahissantes. C’est le Veau d’Or ; nous idolâtrons un modèle qui promet lentement et assurément notre mort.

« Le peuple ne sait pas encore que c’est un peuple parce qu’il ne sait pas encore qu’il est esclave. »

Le spectacle, fragmenté en tableaux, n’est pas construit de manière logique, encore moins narrative, et tente de représenter l’irreprésentable en nous renvoyant à des sensations enfouies, intestines. Castellucci fait dialoguer le temps des premiers hommes troglodytes avec le temps actuel, toujours en mêlant l’art et la religion. Sa volonté n’est ni de comparer ni de commenter les époques mais bien de montrer à quel point nos gestes restent primitifs, à quel point les origines du monde sont en nous, enfouis au plus profond de nous. Serait-ce aussi une manière de souligner que nous n’apprenons jamais de nos erreurs et que l’humanité fonce tête baissée vers sa perte ?

Le son, impénétrable magma cellulaire et interstellaire, remplit l’immensité du théâtre et nous tient connectés avec les images scéniques.

Trois moments de grâce s’échappent du spectacle : le dialogue d’une femme avec son enfant qu’elle vient d’abandonner dans une poubelle, les cieux qui pénètrent le théâtre de la Ville, et le S.O.S, lancé depuis les origines du monde.

Castellucci épure, enlève, efface de plus en plus les codes que nous, spectateurs, pouvons déchiffrer. Les signes s’éloignent, il est parfois ardu de s’accrocher à ce que nous voyons. En faisant abstraction de tout sens, Castellucci risque le vide.

Vide qui, si beau soit-il, ne nous remplit de rien…

Go Down Moses
Mise en scène, décors, lumières, costumes Romeo Castellucci
Musique Scott Gibbons
Textes Claudia et Romeo Castellucci
Assistant scénographie Massiliano Peyrone
Sculptures en scène, prothèses et automatisations Giovanna Amoroso, Istvan Zimmerman
Collaboration à la conception des costumes Laura Dondoli
Machinistes Lorenzo Martinelli, Michele Loguercio, Filippo Mancini
Avec Rascia Darwish, Gloria Dorliguzzo, Luca Nava, Stefano Questorio, Sergio Scarlatella et 5 figurants

Du 4 au 11 novembre 2014.
Tous les jours à 20h30 (relâche dimanche)

Théâtre de la Ville
2, Place du Châtelet – 75004 Paris
M° Châtelet / RER : Châtelet-Les-Halles
Réservation 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

Ce spectacle est présenté à l’occasion du festival d’Automne 2014
Renseignements au 01 53 45 17 17 ou www.festival-automne.com

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