Critiques // Frédéric Bélier-Garcia met en scène « Yakich et Poupatchée » de Hanokh Levin, au CDN Montreuil

Frédéric Bélier-Garcia met en scène « Yakich et Poupatchée » de Hanokh Levin, au CDN Montreuil

Mai 08, 2011 | Aucun commentaire sur Frédéric Bélier-Garcia met en scène « Yakich et Poupatchée » de Hanokh Levin, au CDN Montreuil

Critique de Dashiell Donello

Yakich, qui a hérité d’une laideur sans nom, rêve d’assouvir son désir sexuel. Le jeune homme est lucide. Il sait qu’elle n’est pas encore née, la jeune fille qui honorera sa couche. Ses parents, dans un élan désespéré, s’adressent alors à un marieur, opticien de métier, qui justement cherche à refourguer, depuis des lustres, une jeune vierge, très moche, qui rêve d’avoir un enfant qui la trouverait belle. La transaction est difficile. Les parents de Yakich sont pauvres. Après s’être accordés sur la somme à payer, les futurs mariés, et leurs parents respectifs se retrouvent sur le quai d’une gare. On présente Poupatchée à Yakich. Mais être laid ne rend pas aveugle. Les deux tourtereaux ne se satisfont pas de cette rencontre trop hideuse. On se dit non. On se dit oui. On hésite. Puis non. Pour enfin, dans l’obéissance que l’on doit à ses parents, célébrer le mariage dans un convoi plus funèbre que joyeux. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si “l’aiguille” de Yakich ne marquait pas six heures à son cadran charnel. Alors se pose la question essentielle. Le mariage sera-t-il à consommer ?

© Stephane Tasse

Le critère canon, voilà le drame.

Hanokh Levin dramaturge et metteur en scène israélien (1943-1999), est l’auteur d’une œuvre abondante qui comprend des pièces de théâtre, des sketches, des chansons, et de la poésie. Sa critique de la vie politique, sociale et culturelle de son pays est sans concession. Le drame de « Yakich et Poupatchée » c’est le critère canon. On se doit être beau plutôt que laid. D’être sédentaire plutôt que nomade. Ce n’est pas un secret de dire que c’est la laideur d’un conflit, qui n’a que trop duré, qui se joue dans son théâtre. Mais c’est aussi toutes les laideurs et injustices du monde qu’il décrit.

© Stephane Tasse

Hanokh Levin, tourne en dérision et dénonce les différences. Cette « comédie crue » danse et chante la laideur à la façon d’un cabaret yiddish satirique. La société occidentale n’a jamais été tendre avec les noirs, les homosexuels, les nains, les laids et les diasporas de toutes sortes. Et comme disait Coluche (1944-1986) : « Dieu a dit, il y aura des hommes blancs, des hommes noirs, il y aura des hommes grands, des hommes petits. Il y aura des hommes beaux, des hommes moches et tous seront égaux, mais ça sera pas facile

Bien que la mise en scène soit fidèle aux héros de Hanokh Levin, dans une scénographie (Sophie Perez) digne de la laideur de cette histoire, on déplore une comédie un peu trop kitch qui disqualifie le côté noir de la pièce. Plus de théâtre brut, voir rugueux, aurait eu la juste résonnance. Mais in fine, on craque pour la beauté intérieure de Ophélia Kolb dans le rôle de Poupatchée.

Yakich et Poupatchée
De : Hanokh Levin
Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia
Avec : Evelyne El Garby Klai, Denis Fouquereau, Jan Hammenecker, Ophélia Kolb, Alexis Lameda-Waksman, Ged Marlon, David Migeot, Christine Pignet, Afra Waldhor
Lumières : Jean-Luc Chanonat
Scénographie : Sophie Perez
Assistant à la scénographie : Xavier Boussiron
Costumes : Corinne Petitpierre, Sophie Perez
Musique : Bernard Valléry
Chansons : Reinhardt Wagner

Du 28 avril au 10 mai 2011

Nouveau Théâtre de Montreuil – Centre Dramatique National
10, place Jean Jaurès, 93100 Montreuil – Réservations 01 48 70 48 90
www.nouveau-theatre-montreuil.com

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