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Fleur de cactus de Barillet et Gredy, mise en scène de Michel Fau, Théâtre Antoine

Oct 14, 2015 | Commentaires fermés sur Fleur de cactus de Barillet et Gredy, mise en scène de Michel Fau, Théâtre Antoine

fff article de Denis Sanglard

 

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Fleur de cactus refleurit au Théâtre Antoine, rempotée avec brio et intelligence par Michel Fau. On le sait, ce dernier est un généreux fou de théâtre qui explore avec gourmandise et bonheur les répertoires, de Molière à Guitry ou Roussin, de la revue à l’opéra. La grande vertu de Michel Fau est de ne jamais oublier que nous sommes au théâtre et de le souligner avec malice. De faire du public un complice, jamais dupe, mais jouant lui aussi le jeu. Avec Fleur de Cactus Michel Fau se joue habilement des codes du théâtre de boulevard dont il n’abuse jamais. Mieux même, mieux encore, il donne à ce répertoire particulier sa véritable portée, celle de la comédie bourgeoise acide et pétillante, héritière et avatar contemporain des Feydeau et Labiche. Dont les auteurs Barillet et Gredy ont saisi la portée et la causticité mais aussi la modernité dans l’appréhension des relations humaines contemporaines. C’est justement cette comédie humaine singulière, entre pathétique ridicule et humanité, sous le glacis d’un genre obligé aujourd’hui bien galvaudé, parfois usé, qu’il met à jour. Les portes ne claquent plus, ici elles glissent, et cèdent la place à l’analyse finaude sous l’hystérie apparente du comportement humain soudainement en crise. C’est de ce côté-là que Michel Fau gratte et joue. Les personnages sont tous en demi-teinte, en nuance, loin des figures imposées et triviales voire caricaturales du boulevard. Dépouillées de leurs masques boulevardiers, ce sont des figures qui, par la mise en scène et la direction d’acteur de Michel Fau, dépassent l’archétype attendu du personnage de boulevard. Certes les hommes sont pleutres, lâches, perdus ou mufles, les femmes impulsives, autoritaires, futiles… Mais ils atteignent ici une complexité, une subtilité étonnante et formidable dont Stéphane (Catherine Frot) est l’exemple même. Barillet et Gredy, qu’il serait bon de redécouvrir, pointent le doigt sur nos contradictions, habilement et avec justesse, mises en abyme, et c’est sur quoi s’appuie avec une légèreté feinte Michel Fau, plus que sur la mécanique implacable du boulevard initiée par le mensonge qui commence la pièce. On rit beaucoup mais l’émotion, distillée et à peine mouchetée affleure. Michel Fau sans nul doute débarrasse le boulevard du contre-sens, et de la condescendance qui va avec, dans lequel on l’enfermait aujourd’hui et revient à la source avec en sus un joli clin d’œil à nos soirées d’un temps révolu, du moins pour certains d’entre nous, où collés au poste devant « Au théâtre ce soir » nous hurlions de rire devant des monstres sacrés qui vous embarquaient fissa dans l’adultère et le mensonge. Nous découvrions le théâtre et le goût du théâtre. Cette nostalgie-là Michel Fau la restitue, n’en n’est ni la dupe ni le prisonnier mais le dépositaire. Il dépoussière, restaure, réhabilite et inscrit Fleur de cactus à la fois dans son contexte mais également dans une modernité longtemps négligée.

C’est donc dans un décor résolument sixties, pimpant et acidulé, résolument théâtral aussi, et superbe, que s’agitent nos personnages. Décors en trompe l’œil assumé qui souligne volontairement la théâtralité, ne cherchant jamais l’effacer. C’est démontrer, en le dépouillant de son décor ordinaire, combien ce boulevard-là n’est pas si naturaliste que cela dans son style, mais paradoxalement toujours aussi moderne – dans une certaine mesure – dans son propos. Qu’il s’agit aussi et avant tout d’un style de jeu particulier qui demande autant d’abattage que de subtilité. Catherine Frot et Michel Fau excellent tous deux dans ce pas-de-deux bientôt pas chassé et chassé-croisé. Un numéro de duettiste épatant, drôle et émouvant tout à la fois. Ce sont tous deux des clowns, l’auguste et le blanc, qui se répondent à merveille, unis dans une complicité évidente. Entourés de comédiens d’une drôlerie irrésistible, chacun dévolu à son rôle, grotesque parfois mais jamais dans la lourdeur. Et Mathilde Bisson au talent éclatant dans le rôle d’Antonia, est étonnante. Troublante. Car pour qui a connu la regrettée Sophie Daumier, elle en est l’incarnation plus que fugace. Fleur de cactus n’a en rien perdu ses épines. Pour qui ose s’y frotter ça pique toujours autant. Mais quel plaisir !

Mesdames et messieurs la pièce que vous aurez le plaisir de voir est de Barillet et Gredy. La mise en scène de Michel Fau. Les décors sont de Bernard fau. Les costumes de David Belugou. Les lumières de Joël Fabing. Les maquillages de Pascale Fau. Avec Audrey Langle, Fréderic Imberty, Marie-Hélène Lentini, Wallerant Denormandie, Mathilde Bisson, Cyrille Eldin. Michel Fau. Et Catherine Frot.

 

Fleur de Cactus 
De Barillet et Gredy
Théâtre Antoine
Boulevard de Strasbourg – 75010 Paris
Réservations  01 42 08 77 71
www.theatre-antoine.com

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