Critique de Bruno Deslot –
Sur les traces d’une histoire trop commune
Une femme se raconte, s’interroge et tente de bousculer les diktats de l’idéal féminin, imposés par une société patriarcale.
Magie de l’artifice, merveille de la cosmétique, alimentation saine et équilibrée, confortent la femme idéale dans une image de perfection « parce qu’elle le vaut bien » ! Le ton est donné à une création émaillée des poncifs de la représentation féminine dans une société bourgeoise, qui dompte le corps invaginé des ces créatures victimes d’elles mêmes. La grossesse, l’accouchement, le statut de mère, ça, dont elle ne peut faire l’économie et enfin l’image repoussante et caricaturale de celle à qui elle ne voudrait pas ressembler, « la pétasse », constituent les fondations fragiles d’un édifice qui se veut être en perpétuelle évolution. Au micro, en voix-off ou dans un rapport direct au public, Carole Thibaut, s’épanche, se livre, s’interroge, tente de dessiner les contours de son identité de femme. Expulsant une chose improbable à laquelle il faut donner le sein, parcourant ses formes généreuses pour mieux s’en affranchir, caressant le phallocentrisme de manière clitoridienne afin de refuser la soumission au « sexe fort », les images se succèdent, s’enchaînent au rythme des spots publicitaires défilant sur les écrans aux heures de grande écoute. De la private jock au clin d’œil vastement consensuel et fédérateur à propos de la femme d’aujourd’hui, les propositions s’organisent comme le plan d’une dissertation, dont les tiroirs usités, situent la production à un niveau de réflexion qui ne risque pas de mettre en péril la pensée stérile d’une jeune femme de bonne famille, qui s’encanaille tout de même en évoquant des faits poignants, semble-t-il !
La mise dans l’abyme
Auteure de cette création, Carole Thibaut interroge la femme qu’elle est à la lumière d’une société qui a toujours considéré le genre féminin comme une moitié d’humanité. A la recherche d’une histoire commune aux femmes et qui ne serait pas écrite par les hommes, l’auteure tente de raconter, dans une dimension intimiste plus qu’intime, ce qui pourrait dessiner les contours de son identité de femme. Dix modules, pour aborder l’idéal féminin engagée dans une quête existentielle en proie à un malaise sociétal, échafaudent avec une mise à distance toute relative, la structure fragile de cette création. Une scénographie élégante et sophistiquée dans un théâtre de fortune, tente de donner toujours plus de crédit à une véritable course menée vers l’abyme. Un parterre argenté, habillé, de part et d’autre, d’un éclairage délicat, permet à la femme idéale de pénétrer l’arène de ses interrogations. A l’avant de la scène, un pupitre, appareillé de pédales, qui permettent de faire retentir la pensée intérieure de la comédienne par l’intermédiaire d’un micro, constitue un espace dans lequel la parole est libérée comme en rêve. Situés en fond de scène, des miroirs placent le propos entre fantasme et réalité, jouant la carte de la mise en abyme, davantage évidente que suggérée. La femme idéale se disloque, s’étiole dès lors qu’après s’être livrée à un jeu d’expression corporelle, elle découvre la maternité, la douleur des premières règles et ça, indéfinissable énigme qui gît entre ses cuisses béantes. Excellente comédienne, Carole Thibaut perd en crédibilité ce qu’elle tente de gagner en réflexion sur l’idéal féminin, un thème vendeur et fédérateur dans une période de grand bouleversement, comme elle l’affirme.
Fantaisies – l’idéal féminin n’est plus ce qu’il était !
De, mis en scène et avec : Carole Thibaut
Assistanat à la mise en scène : Fanny Zeller
Travail sur le corps : Philippe Ménard
Création technique et lumières : Didier Brun
Décor : Yves Cohen
Création sonore : Pascal Bricard
Costumes : Magali Pichard
Compagnie SambreDu 14 au 30 janvier 2010
Confluences
190 bd de Charonne, 75 020 Paris
www.confluences.jimdo.com
Voir aussi :
La rencontre avec l’auteure, metteure en scène et comédienne Carole Thibaut