Critiques // « Epousailles et Représailles » d’Hanokh Levin aux Amandiers

« Epousailles et Représailles » d’Hanokh Levin aux Amandiers

Avr 06, 2010 | Aucun commentaire sur « Epousailles et Représailles » d’Hanokh Levin aux Amandiers

Critique de Florian Fauvernier

Qu’est-ce que l’homme ? Un éclat de rire ou une honte qui fait mal ?

Dans ces nouvelles récemment traduites sous le titre Histoires sentimentales sur un banc public, Levin, avec l’écriture irrévérencieuse et libre qui lui est propre, dessine comme dans ses comédies une figure de l’« homme sans qualité » : personnage velléitaire, anti-héros pris dans un désir farouche de vivre et une incapacité à donner corps à ses plus folles envies, modeste par défaut, impuissant à l’excès. Levin nous montre des individus incapables de concrétiser leurs aspirations. Et toute son écriture pourrait bien se prévaloir de cet aphorisme nietzschéen : « Qu’est-ce que l’homme ? Un éclat de rire ou une honte qui fait mal ».

L’amour scato poétique ;

La base de la scénographie de Vincent Gadras et de la mise en scène de Séverine Chavrier, collaboratrice artistique de Jean-Louis Martinelli, a été élaborée suite à la lecture de deux satires : La Reine de la salle de bain, texte représentatif de la dimension scato-poétique omniprésente dans l’œuvre de Levin avec son cabinet de toilette comme centre névralgique de toute action et Le Patriote, discours funéraire d’un politique opportuniste qui impose la présence du cercueil sur scène. Des éléments en faïence (lavabo, bidet, toilette, évier, frigo) seront sur roulettes et pourront dessiner différents espaces et servir eux-mêmes à différents usages (toilette-fauteuil, évier-table, évier-cercueil) ; usages résultant souvent d’une négligence née dans la solitude ou l’habitude, d’un laisser-aller justifié par un « personne ne me voit».

Dans la salle de bain de la vie, le bateau de l’amour prend l’eau. Sale eau !!!

Bienvenu dans un appartement ouvert à l’œil curieux des spectateurs voyeurs.

Appartement ouvert car ici, la pièce principale sert à la fois de salon, de salle de musique (un piano à queue trône au milieu de la scène), et d’immense salle d’eau, lavabo, wc, baignoire, bidet, tout y est, (et alimenté s’il vous plait)! Comme un raccourci entre la salle de bal et la salle de bain. Entre la boîte de nuit, la poésie de la rencontre amoureuse et la suite, avec ses nettement moins glamours contraintes hygiéniques. Pierre Desproges rappelait à qui voulait l’entendre que « même Marylin Monroe faisait pipi ». Dans Epousailles et représailles nous y sommes : cette obligation de vivre à 2 avec la conséquence des tâches et taches quotidiennes. Si en plus vous insinuez le doute, le chantage, le bruit, la fureur, le désespoir, la colère, la vengeance, la maladresse et un brin de loufoquerie vous obtenez des tranches de vies au quotidien bien rempli. Beaucoup de bruit, de fureur avec pourtant peu de mots car finalement  les couples installés en scène sont des hommes et des femmes qui n’ont rien à se dire. Tantôt préférant la soumission radicale à un échange sensé, tantôt fatigués et désenchantés vivotant  dans une gestuelle quotidienne qui ne demande même plus d’échanges verbaux. » Aussi Séverine Chavrier, musicienne émérite maintes fois récompensée, remplit les silences de notes aux sonorités multiples et étonnamment créatives. Avec Séverine, un piano peut se jouer avec les doigts sur les touches bien sûr mais aussi avec une bouteille de verre vide ou un morceau de métal ou encore une bille frottée, roulée à même les cordes ! Les mots peuvent alors jaillir à loisir, seuls ou en paquet. Jamais le silence pesant ou reposant pour ces couples sans qualité ne se fait tout à fait…A souligner, au cœur de ces silences harmonieusement interprétés, le délicieux monologue d’ Emmanuel FAVENTINES s’imaginant rencontrant Mozart ! Couples désaccordés donc, mais comédiens totalement engagés et qui nous entraînent sans forcer dans leurs délirants ballets, dans une suite de danses de différents tempos qui, comme la valse de Brel, nous laisse entrevoir des morceaux de vie.

On reste rêveurs, mélancoliques, enchantés avec un brin le tournis, chapeau !!!

Epousailles et Représailles
Extrait du recueil « Histoires sentimentales sur un banc public »
De : Hanokh Levin
Traduction : Laurence Sendrowicz et Emmanuel Moses
Mise en scène : Séverine Chavrier
Avec : Séverine Chavrier, Bénédicte Cerutti, Emmanuel Faventines, Céline Milliat, Laurent Papot
Scénographie : Vincent Gadras
Lumière : Jean-Marc Skatchko
Son : Philippe Perrin
Vidéo : Ramon Diago
Images : Stéphane Caroff

Du 30 mars au 17 avril 2010

Théâtre Nanterre-Amandiers
7 Avenue Pablo Picasso, 92 300 Nanterre
www.nanterre-amandiers.com

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