fff article de Denis Sanglard
MDR. Cloche de feutre mou sur la tête, yeux en boutons de bottines, nez en patate violette, la langue mobile et poétique bien pendue, en uniforme improbable de jeannette, revoilà Emma la clown. En pleine forme. Seulement, on ne rigole plus. Emma s’en va quérir la mort, la grande faucheuse. Evidemment cela demande un peu de préparation. Mourir n’est pas si simple quoi qu’on en dise. Après avoir légué ses maigres biens, une table, une chaise, des allumettes et une bougie, ses frusques, son corps, et même ses neurones à quelques spectateurs qui n’en demandaient pas tant, chercher sans trouver « la pithaphe » de circonstance, Emma se prépare au grand saut. Mais Emma exorcise aussi notre peur de l’inconnu, aiguise notre curiosité de la chose, tente de nous rassurer, d’assurer notre avenir de l’autre côté, ce néant qui nous attend tous. Emma discourt, intarissable sur le sujet étudié qui nous tarabuste et qui un jour, crac, nous tombera dessus, immanquablement. Le problème le plus ardu est quand même de réussir à rentrer dans la boite, juste pour voir et ressentir, ce cercueil qui trône sur le plateau et commandé par internet. Emma a les pétoches quoi qu’elle en dise. Car franchement y aller de soi alors que d’ordinaire on vous y installe sans que nous ayons notre mot à dire, c’est une idée incongrue qui fait claquer les os. Qu’importe, Emma toujours extra-lucide, est aussi chaman. Normal pour qui a tutoyé Dieu et la psychanalyse. Un rituel aussi drôle qu’imprévu dans un costume improbable, et hop c’est dans la boite… Pas pour très longtemps quand même parce qu’il y a d’autres dates à assurer, d’autres spectateurs à convaincre que la mort, au final, c’est du nanan. Alors Emma, même pas peur, endosse les habits de la dame en noir et se rêve un enterrement de première classe, avec banane, Bach et neige, rien de moins. Emma peut disparaître du plateau. Provisoirement. Parce que les clowns, on le sait, meurt pour de faux. C’est une création mortelle ! Drôle, tendre et poétique, intelligemment bavarde aussi parce que les mots pour Emma la clown remplacent les balles et les massues qui volent, les coups de pieds au cul, les chutes et les horions des augustes. Emma la clown jongle haut avec le verbe qu’elle chahute et qu’elle entoile sur la piste sans sciure du plateau. La mort rôde ici avec un nez-rouge, faux-nez pour masquer nos angoisses existentielles devant l’inéluctable qu’Emma la clown, chaman, c’est vrai, parce que les clowns sont les chamans de notre enfance qui exorcisaient nos peurs, endosse et chasse d’un grand éclat de rire. C’est une belle création, avec de menues et fines trouvailles, des inventions rigolotes, et l’on se dit que la mort lui va si bien qu’on ne souhaite qu’une chose, comme ce soir, continuer à mourir de rire avant de casser sa pipe pour de bon. Et même pas peur !
Emma Mort, même pas peur
Ecriture et jeu Meriem Menant
Mise en scène Kristin Hestad
Musique Mauro Coceano
Conseil batterie Jean-François Derouet
Décors et inventions Didier Jaconelli
Création lumière Emmanuelle Faure
Costumes et habillages Anne de Vains
Création son Amélie Sanson
Régisseur son Romain Baigneux Crescent
Plateau Yvan BernardetDu 13 au 16 avril 2015
Lundi et mardi à 20h30
Mercredi et jeudi à 19h30Théâtre 71
3, place du 11 novembre – 92240 Malakoff
Réservations 01 55 48 91 00
www.theatre71.com
comment closed