Critiques // « Embrassons-nous, Folleville ! » de Labiche au CDN de Sartrouville

« Embrassons-nous, Folleville ! » de Labiche au CDN de Sartrouville

Nov 23, 2010 | Aucun commentaire sur « Embrassons-nous, Folleville ! » de Labiche au CDN de Sartrouville

Critique d’Anne-Marie Watelet

Une charmante comédie acidulée, dans l’intimité d’un intérieur bourgeois.

Représentée en 1850 à Paris, cette pièce compte parmi les grands succès de Labiche, à une époque où la classe bourgeoise, à laquelle il appartient, évolue dans la prospérité et la recherche des plaisirs, des secrets et des intrigues d’alcôve.
Nous sommes sous le règne de Louis XV, dans le salon du Marquis de Manicamp. Pris d’affection pour le jeune Folleville, lors d’une chasse au canard, Manicamp n’a de cesse de l’embrasser, de lui faire la cour afin qu’il devienne son gendre. Et bien que sa fille, Berthe, et le jeune homme, aient peu de goût l’un pour l’autre, ils cèdent aux folles instances du père. Mais entre en scène un rival inattendu : le Vicomte de Chatenay, que Berthe, peu délicate, a souffleté un soir de bal. À sa première visite, surprise ! Voilà qu’il tombe amoureux de celle qui l’a offensé, et elle, aussi exaltée que lui, a le coup de foudre. Ils décident de s’unir pour la vie, mais doivent affronter le père, entiché de Folleville. Comment, contre vents et marées, parviendront-ils à dénouer cette affaire? Cela se termine néanmoins en chansons, et le père conclut : « Qu’on enterre tout courroux, toute colère, et embrassons-nous ! »

© JM Lobbé

Ici, nulle étude psychologique : les personnages agissent sans réfléchir, emportés par leurs caprices, leurs lubies – sauf le docile et calme Folleville. En cela Labiche a renouvelé certains codes de l’écriture dramaturgique. Liberté de ton et d’action des personnages, mais Labiche fait fi de leurs remous intérieurs ! Élégance et justesse dans cette mise en scène, fidèle à l’esprit du texte et l’époque. Nous nous trouvons dans un petit espace charmant, au plus près du salon où jouent les comédiens. Une intimité renforcée par le décor style bonbonnière (des voilages blancs drapés font office de parois). Seul mobilier, seul décor, un piano blanc aux impressions de gâteau meringué, que Manicamp fait rouler à folle allure à travers le salon, au gré de ses indignations ou de son enthousiasme, et sur lequel il joue même une mélodie. Bien que ce soit là une heureuse trouvaille, drôle et efficace, on regrette la présence ou l’intervention de quelque accessoire ou mobilier qui ajouterait à l’atmosphère raffinée et feutrée d’un salon XVIIIème. On admire les beaux et riants costumes qui siéent si bien aux acteurs.

© JM Lobbé

Un rythme haletant dans le jeu des quatre comédiens, un comique de geste et de langage dont on aimerait prolonger le plaisir. Les entrées et sorties du plateau, pour être répétées, n’en sont pas moins naturelles car bien orchestrées, sans effet d’artifice. Les acteurs sont conduits de manière à ce qu’on rie de leurs frivoles excès, en évitant – et c’est l’écueil dans ce genre de mise en scène – toute lourdeur ou même tout ridicule. Manicamp, le père, interprété par Laurent Lévy, est digne d’un mono-maniaque de Molière, avec ses « Embrassons-nous, Folleville ! » et ses manies de langage ; sa gestuelle est agile lorsqu’il vire-volte, ou se dissimule derrière le piano. Avec Berthe, jouée par Nine de Montal, le duo père/fille est tantôt désopilant, tantôt plein de tendresse. Celle-ci se montre, comme toujours, passionnée dans son jeu et sa diction est irréprochable. Cependant, quelques nuances dans le ton et les expressions du visage seraient bienvenues, car point trop n’en faut. Elle excelle à jouer la jeune fille « libérée », fille de marquis, aux côtés d’Elya Birman, le jeune Chatenay, losqu’ elle clame ses sentiments pour lui, et qu’ elle s’affirme contre son père. Quant à Birman, qu’on a vu jouer récemment, de même que Nine de Montal, dans l’ excellent « Dyptique du Rat », il nous ravit par son élégante tournure, ainsi que par sa fougue et son empressement à se faire aimer de la belle. Il a le verbe haut et le regard exalté, la démarche énergique.Enfin, Philippe Barronnet est Folleville, qui campe trés justement le jeune homme un peu effacé, victime du stratagème de Manicamp dont il se défend peu. Il nous amuse par ses expressions en aparté, à chaque fois qu’ il se trouve serré dans les bras du futur beau-père !
Les dialogues et les mimiques sont exquis, les comédiens assurent avec panache la dynamique de jeu que le metteur en scène, Laurent Fréchuret, a, cette fois encore, subtilement travaillée, tout en faisant preuve de fantaisie et de goût avec son équipe talentueuse.

Embrassons-nous, Folleville !
De : Eugène Labiche
Mise en scène : Laurent Fréchuret
Avec : Philippe Baronnet, Elya Birman, Laurent Lévy, Nine de Montal
Collaborateur artistique : Olivier Balazuc
Scénographie et accessoires : Claire Gringore
Chef de chant et arrangements musicaux : Thibault Perrine
Costumes :  Claire Risterucci
Maquillage et coiffure : Françoise Chaumayrac
Lumières : Olivier Sand
Son : Cyrille Lebourgeois

Du 15 au 27 novembre 2010
Reprise les 7 et 9 novembre 2011

Théatre de Sartrouville CDN
Place Jacques Brel, 78505 Sartrouville
www.theatre-sartrouville.com

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