Critique de Audren Destin –

El Rumor del incendio est un spectacle extrêmement dense, conçu à la manière d’un documentaire, sur l’histoire des luttes armées au Mexique des années 1960 jusqu’au années 80. Les auteurs de cette pièce retracent ainsi le parcours de ceux et celles qui, s’appuyant sur la constitution mexicaine et la définition même de la démocratie, ont un jour voulu changer leur pays.

La compagnie « Lagartijas tiradas del sol » (Lézards étendus au soleil), conçue comme un collectif, un « espace pour penser », pour bousculer les conventions, a été fondée en 2003 par Luisa Pardo et Gabino Rodriguez. Nés en 1983 et anciens élèves du Centro Universitario de Teatro au Mexique, ils pratiquent un théâtre qui réfléchit sur le monde qui les entoure et sur la façon de conduire le spectateur à une perpétuelle remise en cause des valeurs qu’il croit avoir acquises.

© Luisa Pardo, Gabino Rodríguez

Après le spectacle, alors que j’attendais sur le quai du métro, une femme m’a abordé pour me demander mon avis sur la pièce. Je lui ai répondu que j’avais beaucoup aimé en lui expliquant brièvement pourquoi et lui ai retourné la question. Elle m’a répondu par la négative, insistant sur l’aspect désincarné de la mise en scène. Nous en sommes restés là…
Je ne sais pas véritablement où elle voulait en venir, mais on peut considérer qu’en effet le jeu d’acteur est relativement sobre en ce sens que le récit est exposé de manière quasi documentaire et que les scènes jouées le sont dans un style réaliste et cinématographique. À mon sens ce réalisme est une des premières qualités de cette mise en scène, il lui donne un ton résolument moderne. D’autre part, cette sobriété permet au spectateur d’intégrer les informations qu’il reçoit, relativement à une histoire complexe qui couvre plusieurs décennies. Enfin cette sobriété n’est qu’apparente car d’un point de vue narratif, c’est une mise en scène très riche.

Les comédiens se partagent la narration, tantôt en relatant des faits historiques, tantôt en incarnant des personnages. La figure principale de la pièce est la militante Margarita Urias dont on suit la destinée particulière tout au long de la pièce. Ainsi la mémoire collective peut prendre place dans le corps de quelqu’un. Des photographies, vidéos d’archives, vidéos créées en direct à la manière de reportages avec décors miniatures et figurines, et de la musique viennent illustrer et enrichir constamment les faits racontés. La distanciation prise avec le jeu et le mélange entre fiction et réalité permettent aux comédiens de changer de rôles avec beaucoup d’aisance. Il y a des coupures, des changements de ton, de rythme, des alternances dans le style narratif qui tiennent le spectateur constamment en haleine.

Si un jour, nos enfants veulent parler de notre jeunesse, de quoi parleront-ils ?

Les comédiens sont excellents et ont réussi le pari d’allier une construction très cérébrale en y influant beaucoup d’émotion. La fin, où est révélée une information cruciale qui modifie complètement notre regard sur la pièce, est particulièrement saisissante et intense. C’est très réjouissant de voir que des artistes si jeunes possèdent déjà une véritable identité et ont réussi à imposer leur propre vision du théâtre avec tant de justesse, d’intelligence et d’inventivité. C’est surtout une bouffée d’air frais.

El Rumor del incendio
– En espagnol surtitré français –
Créé par : Lagartijas tiradas al sol
Coordination & texte : Luisa Pardo, Gabino Rodríguez
Avec : Francisco Barreiro, Luisa Pardo, Gabino Rodríguez
Acteurs (vidéo) : Harold Torres, Cesar Ríos & Mariana Villegas
Recherche iconographique et design : Juan Leduc
Vidéo : Yulene Olaizola
Lumière : Marcela Folres, Juanpablo Avendaño
Assistant : Mariana Villegas
Assistant vidéo : Carlos Gamboa, Genaro Rodríguez
Modèles : Francisco Barreiro
Conseiller technique pour la vidéo : Emiliano Leyva

Du mardi 4 au samedi 8 octobre 2011 à 19h30
Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris

Maison des Arts Créteil
Place Salvador Allende, 94000 Créteil
Métro Créteil-Préfecture – Réservations 01 45 13 19 19
www.maccreteil.com

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