Critiques // « Don Juan revient de guerre », de Odön von Horváth, mise en scène de Jacques Osinski, Athénée Théâtre-Louis-Jouvet

« Don Juan revient de guerre », de Odön von Horváth, mise en scène de Jacques Osinski, Athénée Théâtre-Louis-Jouvet

Avr 07, 2015 | Commentaires fermés sur « Don Juan revient de guerre », de Odön von Horváth, mise en scène de Jacques Osinski, Athénée Théâtre-Louis-Jouvet

article de Denis Sanglard

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Don Juan revient de guerre. La grande, celle de 14/18. Dans une Allemagne dévastée, bouleversée, livrée au marché noir, à la misère, où les hommes sont absents et les femmes nouvellement émancipées, il erre, malade, à la recherche de sa fiancée autrefois abandonnée. Ses lettres restent sans réponse. En réalité, réfugiée chez sa grand-mère qui, par vengeance, refuse de le lui annoncer, elle est morte. Don Juan guéri passe de femmes en femmes, autant de visages qui lui rappellent celle qu’il délaissa et qu’il recherche en vain. Don Juan n’est plus qu’une ombre. Dénoncé par une adolescente mineure, il s’enfuit. Fugitif épuisé, il retrouve la grand-mère qui lui indique où repose sa petite-fille. Sur sa tombe Don Juan meurt.

Odön von Horváth dessine, en de courts tableaux, une Allemagne traumatisée par la guerre, un pays qui se relève de ses cendres. Où les hommes, ceux d’avant la boucherie de 14/18, n’existent plus. Et ceux qui reviennent, malades, à l’image de Don Juan, représentent une Allemagne qui n’est plus, celle d’avant le conflit. Don Juan est comme vidée de sa moelle, défait par un monde nouveau qui se relève de ses cendres et auquel il n’appartient plus. Les femmes ont pris le relais. Don Juan n’est plus qu’un être passif dont elles se jouent de façon cynique malgré les ravages qu’il provoque encore. Ce sont elles qui le dominent comme elles dominent cette Allemagne qui s’ouvre à elles. Ce sont elles qui auront sa peau.

Las… La mise en scène, linéaire et sans réel point de vue, manque singulièrement de reliefs et de nerfs. Jacques Osinski déroule une mise en scène totalement neutre et atone. Une mise en scène littérale et transparente, sans nuance, à l’image de Don Juan, complètement plat. Lequel n’ôte curieusement jamais sa capote de soldat. C’est d’ailleurs un peu l’impression que donne cette mise en scène, d’être recouverte d’un manteau de feutre qui assourdit, étouffe l’ensemble. Pour l’écrire avec franchise on s’ennuie ferme jusqu’à se désintéresser de ce qui se déroule sur le plateau. Les comédiennes s’en sortent avec les honneurs, c’est vrai, mais ne sauvent pas l’ensemble de la catatonie qui règne. Don Juan revient de guerre, hélas. Pour le coup on aurait aimé qu’il n’en revienne pas…

« Don Juan revient de guerre » de Odön von Horvath
Mise en scène, Jacques Osinski
Dramaturgie, Marie Potonet
Scénographie, Christophe Ouvrard
Lumières, Catherine Verheyde
Costumes, Hélène Kritikos
Avec, Caroline Chaniolleau, Noémie Develay-Resiguier, Jean-Claude Frissung, Delphine Hecquet, Agathe Le Bourdonnec, Alice Le Strat, Alexandre Steiger

Athénée théâtre Louis-Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet
7 rue Boudreau
75009 Paris
Du 2 au 18 avril 2015 à 20h
sauf le mardi 14 avril à 19h
Relâche dimanche et lundi
Matinée exceptionnelle le dimanche 12 avril à 16h
Réservations : 01 53 05 19 19
www.athenee-theatre.com

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