Critique de Dashiell Donello –

La mise en scène de Mario Gonzalez, « Dom Juan Impuni », met le masque de l’hypocrisie au théâtre de l’Epée de bois

Sganarelle :
Quoi ? Vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger en homme de bien ?
Dom Juan :
Et pourquoi non ? Il y en a tant d’autres comme moi, qui se mêlent de ce métier, et qui se servent du même masque pour abuser le monde !

© BM Palazon

Lorsque Molière écrit « Dom Juan » (1665), il vient d’essuyer une première interdiction de « Tartuffe » en 1664. La coalition moralisatrice des dévots a inspiré le grand dramaturge. La tirade, de l’acte V scène II, permet à son « Dom Juan » de mettre en évidence l’hypocrisie de son époque. Avec ce discours frondeur, il en fait une critique de la société du XVIIe siècle. C’est par cet angle que Mario Gonzalez aborde sa mise en scène. Son adaptation est dépouillée de certaines scènes. Sganarelle ne vante plus les mérites du tabac. Quel dommage ! Si aujourd’hui cela enfreint la loi, il eut été intéressant de l’entendre. Il n’y a plus de spectre, ni de convive de pierre ! La punition divine, aux enfers, est purement supprimée. Le commandeur est bel et bien tué, mais n’apparaît pas en scène. Il s’agit moins d’amputer la représentation que de montrer un Dom Juan hédoniste et athée. Pour Mario Gonzalez, le châtiment par le Commandeur n’est qu’une caution morale donnée aux dévots, pour refréner leur envie de censure. Si l’on admet cet argument, pourquoi alors garder la scène du Pauvre ? Ce personnage, n’a-t-il pas aussi une symbolique de charité chrétienne ?

Y a-t-il un masque pour Dom Juan ?

Cette version donjuanesque écourtée (1h20) est jouée par trois comédiens : Mariana Araoz, Christophe Patty, et Philippe Risler. Elle a un petit côté transformiste tant les changements de costumes, (inspirés du Siècle d’Or), et des masques, sont menés prestement. Au lâché de rideau Sganarelle fait irruption sur la scène et dans la salle. Il cherche Gusman, mais où est-il ? Dans le public ! C’est vous, c’est moi. C’est qui on veut et cela va très bien. Voilà une belle entrée en matière, et nous spectateurs sommes conquis à l’avance par ce « Dom Juan masqué et impuni ». Car, Mario Gonzalez a pris le parti pour la pièce de Molière (1622-1673) : « (D’un) sage esprit (Qui) s’accommode aux vices de son siècle. » Dom Juan apparaît sur scène, en avance sur son époque, avec un costume que ne renierait pas une rock star d’aujourd’hui. Tout cela est plaisant, mais trop enthousiaste et c’est le fameux trou noir, cauchemar du comédien. Heureusement, le masque permet l’improvisation et voilà un lazzi rondement mené sur ce trou sans souffleur. La mémoire revient enfin avec : « la constance n’est bonne que pour des ridicules ». Ouf ! Ce début est à l’image de la représentation avec des hauts et des bas. Si ce Dom Juan masqué se déroule le mieux du monde pour les personnages de comédie, on a une certaine réserve masquée pour le rôle éponyme. Pour preuve le magnifique monologue sur l’hypocrisie qui se démasque à l’acte V. Dom Juan par l’acteur s’incarne enfin. Car, disons-le franchement, masqué, il est plus proche de matamore que du héros de Molière. Comme on connaît le talent de Mario Gonzalez, on peut espérer qu’il tombera le masque, comme dans la première version. Alors, on n’en doute pas, l’équilibre prescrit sera au rendez-vous.

Dom Juan Impuni
D’après : Molière
Mise en scène : Mario Gonzalez
Avec : Mariana Araoz, Christophe Patty, Philippe Risler
Musique : Vincent Bouchot
Masques : Etienne Champion
Costume : Sylvie Berthou
Lumières : Jean Grison
Assistant à la mise en scène : Rafaël Bianciotto

Du 17 au 29 mai 2011
Dans le cadre du festival Mai des Masques

Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie,Route du Champ de Manœuvre, Paris 12e
www.epeedebois.com

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