ƒƒ article de Camille Hazard

Crédit photo Jean-Marie Refflé

L’adaptation pertinente et astucieuse du Dom Juan de Molière par le metteur en scène Luca Franceschi offre un spectacle des plus réussis.

Seule la charpente de l’œuvre est conservée grâce à un choix de scènes, savamment réfléchis ; les passages un peu trop longs ou didactiques ont été retirés au profit d’une créativité de plateau très originale.

Cette troupe de théâtre jouant Molière vit là, devant nous, sans fard et sans retenue. Elle nous accueille dans le théâtre en pleins préparatifs; maquillage, décor, costumes, répétitions… Puis les coups de brigadier résonnent, le spectacle commence. La troupe prend plaisir à mêler les codes de jeu, à s’interrompre, à se couper la parole, à intervenir pendant des scènes, à s’interroger sur « le cas Dom Juan ». Est-ce un pervers ? Un beau salop ? Un frustré ? Un Casanova ? Une grande liberté de ton est amenée par tous, les scènes classiques sont coupées par les comédiens de la troupe. Seul Dom Juan reste à l’écart du tapage ; colonne vertébrale du spectacle. Manuel Olinger qui a repris le rôle dernièrement, interprète un Dom Juan plein d’amplitude et de variations ; poésie et figure jusqu’au-boutiste donnent de l’épaisseur au personnage.

Ce fourmillement de vie aux côtés de la langue de Molière est détonnant ; surtout très respectueux de l’œuvre classique, car la vie de troupe, les doutes du metteur en scène, les jalousies entre comédiens, les engueulades, sont indissociables de M. Molière… Les comédiens chantent, dansent, jouent de la musique, faisant perdurer la tradition du théâtre de tréteaux. Une structure métallique faite d’échelles et de plateformes, amène le tourbillon de vie jusque dans les cintres !

Sur le plateau les espaces-temps sont mélangés, sans jamais nous faire perdre le fil de l’intrigue. Le rythme battant des scènes procure une énergie incendiaire au spectacle, on vit avec la troupe, on partage ses questionnements sur la mise en scène; comment représenter la statue du Commandeur ? Comment définir le personnage Dom Juan ? Comment jouer tel ou tel personnage ?

Intelligemment, Lucas Franceschi n’a pas cherché à bricoler, à être original pour se différencier des autres mises en scène. L’honnêteté de ses doutes (partagés par tous les metteurs en scène !) sur certains aspects de la pièce, amène une très belle sincérité et une créativité débordante de la part de tous les comédiens. Aucun artifice, ici tout est montré, tout est partagé. Le jeu est tenu à tout instant avec une grande précision dans les mouvements et les adresses.

Dans cette mise en scène, rien ne détonne, tout est vivant ; on a du plaisir à côtoyer cette troupe, à s’immerger dans le théâtre et l’œuvre de Molière.

Dom Juan 2.0
Sur une idée originale de Thierry Auzer et Lucas Franceschi
Mise en scène et adaptation Lucas Franceschi
Décor Thierry Auzer, Vincent Guillermin
Lumières Romuald Valentin
Costumes Zoéline Gétin

Avec Serge Ayala, Gaëlle Konaté, Robert Magurno, Manuel Olinger, Fabio Ezechiele Sforzini, Frédéric Tessier, Jennifer Testard

Du 4 au 26 juillet 2015
Tous les jours à 14h50
Festival d’Avignon Off

Théâtre de l’Oulle
19, place Crillon – 84000 Avignon
Réservation 04 90 86 14 70
www.theatredeloulle.com

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