Critique d’Audren Destin –
Le spectacle dure deux heures…
« Face à la figure si célèbre et emblématique du Docteur Faustus, j’ai tout d’abord essayé de comprendre comment les multiples transformations du personnage, les diverses versions littéraires du mythe de Faust pouvaient prendre place et résonner aujourd’hui ». Le parti pris du metteur en scène semble clair, donner à Faust un visage résolument moderne, et pour cela tous les coups sont permis. Ça va saigner!
© G. Avenel
L’histoire de Faust, reprise à travers les siècles par de nombreux auteurs, est celle d’un homme qui choisi de transgresser les limites de sa condition en pactisant avec le diable. C’est l’histoire d’un rebelle qui, dans une époque où la religion est extrêmement oppressante, n’hésite pas à clamer son athéisme et à se tourner vers les forces obscures. Bien sûr cela finira mal.
Victor Gauthier-Martin a donc choisi de donner à sa mise en scène un ton moderne, voir futuriste. A quelle époque situe t-il l’action? Aucune. Certes les caméras, les écrans et tout le bazar high-tech nous rappelle bien que nous avons dépassé le second millénaire mais où sommes nous exactement, pas la moindre idée. Et au fond cela n’a pas la moindre importance. Ce qui compte, c’est que pour donner un caractère actuel à sa mise en scène, Victor Gauthier-Martin a utilisé tous les clichés et a réussi à vider l’oeuvre de toute consistance. Chapeau l’artiste!
© G. Avenel
Commençons par Faust ! Tel une limace blonde (en référence à sa coupe néo-punk), il se tortille tout au long de la pièce, se grattant parfois comme s’il avait des puces, parlant de manière saccadé, sans doute avec la volonté de jouer l’homme possédé, moulé dans des fringues branchées. A son apparition, on se demande tout de suite: « est-ce là la grande légende ? Un paumé qui sautille ? » . Ceci dit, il aurait pu être intéressant de réadapter la pièce en faisant de Faust un héroïnomane et de lui donner ainsi une nouvelle dimension, mais le metteur en scène, s’il évoque l’usage de la cocaïne à un certain moment du spectacle, n’a pas choisi d’aller jusque là. Son valet, Wagner, a un peu la même dégaine, si ce n’est la petite mèche qui fait la différence. Pour ce qui est des autres personnages, on reste toujours dans la même veine, passant du vaguement branchouille au vaguement sado-maso, avec néanmoins quelques petites excentricités. Méphistophélès est double, une sorte de mélange entre Jeanne Mas et Pascal Obispo, mais le clou du spectacle, c’est l’entrée de Lucifer. Fabuleux… Quand ce gros moustachu arrive torse nu avec sa cape, en chantant une chanson ringarde avec les deux Méphistophélès qui font les coeurs, ça fait vraiment un sacré effet.
© G. Avenel
Deux heures
Pour ce qui est du fond, pas grand chose à dire, il y a le texte de Marlowe bien sûr, mais ils l’ont tellement massacré que même deux jours après, je n’ai pas réussi à le relire (j’avais encore trop présente l’image de ce Faust se tortillant sans cesse). L’image et également les voix sont massacrées car, je ne sais pas si c’est une volonté du metteur en scène ou un accident, ils ont tous cette façon insupportable de parler comme s’ils faisaient des incantations en permanence. Sur le papier il est question de Faust en tant que surhomme, en rapport à notre époque avec ce que la science nous donne à rêver. Il est également question de l’électronique, des médicaments, de la chirurgie, des machines, des cellules, du trafic d’organes et que sais-je encore, et tout cela est très bien, sur le papier. Mais il ne suffit pas de faire jouer à un guitariste une musique vaguement étrange, de mettre des écrans, des micros, des ordinateurs et des caméras partout, de placer un casque plein de fils sur la tête de Faustus lorsqu’il signe son pacte avec le diable, allongé sur une sorte de fauteuil de dentiste, bref il ne suffit pas de se munir de tout un tas de matériel pour donner corps à des idées. Ce qu’il faut c’est du jeu et de l’imagination et dans cette mise en scène tout est tristement banal et superficiel.
Docteur Faustus
Texte : Christopher Marlowe
Traduction : Jean-Louis Backès
Mise en scène : Victor Gauthier-Martin
Avec : Alban Aumard, Clémence Barbier, Philippe Demarle, Anne-Shlomit Deonna, Pascale Oudot, Thibaud Saâdi, Franck Semelet et Dayan Korolic (musicien), Gaëtan Besnard (régie vidéo)
Collaborateur dramaturgique : Guillaume Lévêque
Scénographie : Jean-Baptiste BellonVidéo : Julien Delmotte
Musique originale : Dayan Korolic
Costumes : Marie La Rocca, assistée de Gwendoline Bouget
Lumières : Pierre Leblanc
Chorégraphie : Caroline Marcadé
Assistante à la mise en scène : Juliette Maugard
Luminographie vidéo : Claire Roygnan
Ingénierie scénographie : Paul Samsovici
Régie générale : Thierry Bouvet
Régie lumière : Guillaume De Smeytere
Régie son : Jean-François DominguesDu 08 au 18 décembre 2010
Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses, 75 018 Paris – Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com