Critiques // Didier Bénureau et des Cochons au Théâtre du Rond-Point

Didier Bénureau et des Cochons au Théâtre du Rond-Point

Nov 13, 2015 | Commentaires fermés sur Didier Bénureau et des Cochons au Théâtre du Rond-Point

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

 

©Dominique Plaideau

©Stéphane Trapier

 

« Les méchants ont sans doute compris quelque chose que les bons ignorent » a écrit Woody Allen. Didier Bénureau est très méchant. Très très méchant. Il a tout compris. Et c’est jubilatoire. Ecriture ciselée et trempée au vitriol pour des portraits amoraux de personnages immoraux. Didier Bénureau n’a peur de rien, ne s’interdit rien. Pas de tabou. C’est un caricaturiste à la plume sergent major décapante, irritante, qui crisse et fait grincer des dents. Il gratte là où ça fait mal, au scalpel, jusqu’à l’os. Fin observateur aigu des travers peu avouables, voire revendiqués, et de moins en moins cachés de nos contemporains il frappe juste et fort. Et nul n’est épargné. Grecs, évêque travesti, homosexuel collabo horizontale, bobos de « la gauche flottante », belle-mère odieuse, vieux chanteur lyrique n’ayant rien vu à Fukushima, comédien shakespearien, puceau catholique, militaire décérébré, américain à la gâchette facile… Certains ne nous sont plus inconnus, familiers même comme Morales, d’autres sont des petits nouveaux tout aussi braques. Les postures, les impostures c’est du pareil au même. La bien-pensance et la connerie c’est tout comme. Et lui-même ne s’épargne pas en auteur frustré comparant sa prose au génie de Shakespeare ou de Mozart.

C’est aussi une énergie débordante, une vitalité époustouflante. Le corps de Didier Bénureau exulte. Car ses personnages ont aussi un corps, aussi tordus que leurs coups bas et leurs esprits riquiqui. Didier Bénureau a le génie ahurissant d’esquisser, de définir un personnage d’un geste et de le dézinguer aussitôt dans une explosion de tics et de tocs. De l’essorer, l’étriller pour en tirer non sa substantifique moelle mais sa bêtise la plus noire, sa méchanceté la plus crasse, sa violence intrinsèque et son hystérie. Une hystérie, une folie qui semble hors de tout contrôle. Mais rien jamais de trop. Cette agitation frénétique n’est que le symptôme exacerbé des déséquilibres de ces monstres quotidiens et ordinaires, ô combien tristement ordinaires. Même au repos, tout relatif, quelque chose palpite prêt à bondir comme un diable de sa boite. Didier Bénureau est quelque part entre le Screwy Squirrel et le loup de Tex Avery. Et c’est peu dire que gambadant, sautillant, bondissant comme il le fait il occupe l’espace. Il l’explose littéralement. Il y a un côté rocker énervé indéniable. Et comme jouer du youkoulélé – fort bien au demeurant – doit être un tantinet frustrant, pas pour rien qu’il s’entoure Des cochons dans l’espace, groupe de rockers gentiment allumés qui donne à ce show un ton résolument rock, parfait pour accompagner ces personnages au bord de l’implosion et même carrément explosés

 

Didier Bénureau et des Cochons
Coécriture Didier Bénureau, Eric Bidaud, Dominique Champetier, Anne gavard
Mise en scène de Dominique Champetier

Avec les musiciens Les Cochons dans l’Espace

Du 10 novembre au 6 décembre 2015, 21h
Dimanche 18h30
Relâche les lundis, le 11 et le 17 novembre.

Théâtre du Rond-Point
2bis av. Franklin D. Roosevelt – 75008 Paris
Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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