Paroles d'Auteurs // « Désolé pour la moquette… » de Bertrand Blier

« Désolé pour la moquette… » de Bertrand Blier

Sep 21, 2010 | Aucun commentaire sur « Désolé pour la moquette… » de Bertrand Blier

Lecture de Dashiell Donello

Bertrand Blier n’avait plus écrit pour le théâtre depuis les Côtelettes (1997) avec Philippe Noiret et Michel Bouquet. Actes Sud édite sa deuxième pièces : Désolé pour la moquette… Qui se joue au théâtre Antoine-Simone Berriau depuis le 9 septembre 2010 à Paris.

Un océan de moquette en hiver à la nuit tombée. Il y a une zone froide d’un côté. C’est la rue. Et une zone chaude à l’opposé. C’est la maison. Une baie vitrée nous expose les illuminations de la ville. Les néons publicitaires font danser les tours des bureaux, mêlés aux hurlements rythmés d’une sirène de police.

Une bourgeoise observe  derrière sa vitre une clocharde qui se cure le nez, devant chez elle. Un décret a obligé les propriétaires de la maison à prolonger leur revêtement au sol pour les sans-abri jusqu’au trottoir. De quoi cette bourgeoise peut-elle se plaindre ? Bien pomponnée dans un intérieur chaud et douillet. Bien sûr elle éprouve un petit malaise qui la ronge de savoir cette personne dans le froid.

– Elle est complètement con cette loi ! C’est pas de la moquette qu’il faut leur donner, c’est des maisons, dit-elle. Mais on ne conteste pas la loi. On est forcément pour. Sinon les autorités pourraient trouver à redire.

Alors on tend la main et l’on passe de l’autre côté du miroir. La bourgeoise se retrouve dans la rue et la clocharde dans la maison.

Dans cette comédie, cinq personnages se croisent sur la moquette de leur solitude spécifique. La bourgeoise est délaissée par son mari. Boris, l’époux adultère, n’arrive pas à être heureux avec sa femme. Le Vérificateur est frustré de voir son amante Tchèque se faire baiser par un autre. Le clochard n’a que sa queue et n’éjacule jamais. Et enfin, la clocharde fait honte à un père acteur qui fait semblant de ne pas la reconnaître. Dans ce dernier portrait, on ne peut s’empêcher de penser au père de Bertrand Blier : “J’adorais mon père. J’ai eu de la chance d’être son fils, mais il m’a fait beaucoup de mal, en même temps.” Disait-il lors d’une interview dans la presse.

La pièce, qui n’a pas de réelle structure, est un enchaînement de plusieurs dialogues. Bertrand Blier avoue que pour lui le théâtre est une récréation : «  Ecrire pour cet art m’excite. Mais comme spectateur c’est une punition ». Bernard Blier disait à son cinéaste de fils : « t’es con de faire du cinéma, écris pour le théâtre… » Il n’est pas certain qu’il dirait la même chose aujourd’hui. Le thème de la précarité, même traité avec humour, ne peut  être un délassement entre deux films. Le théâtre a ses règles et c’est ce qui en fait, simultanément,  un art éphémère et éternel.

Désolé pour la moquette
De Bertrand Blier

Actes Sud
18 rue Séguier, 75 006 Paris

www.actes-sud.fr


Voir l’article sur la pièce

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.