Critiques // « Désolé pour la moquette… » de Bertrand Blier au Théâtre Antoine

« Désolé pour la moquette… » de Bertrand Blier au Théâtre Antoine

Sep 22, 2010 | Aucun commentaire sur « Désolé pour la moquette… » de Bertrand Blier au Théâtre Antoine

Critique de Dashiell Donello

Les lumières de la ville. Un panorama façon 35 mm. Quand on est l’auteur de « Préparez vos mouchoirs » (Oscar du meilleur film étranger en 1978), on ne se refait pas. Il y a toujours un clap qui traîne sur la scène et se substitue aux trois coups du théâtre.

La trame de l’histoire est un petit malaise qui ronge le cœur. C’est en hiver, à la nuit tombée. Une bourgeoise observe de l’autre côté de sa baie vitrée une clocharde. Elles cohabitent sur la même moquette. Un décret oblige les propriétaires de la maison à prolonger leur revêtement, jusque dans la rue. Un trottoir moquetté pour les sans-abri qui donne peut-être bonne conscience, mais qui fait quand même saigner les genoux. Alors la roue tourne. La main de la bourgeoise offre un peu de chaleur à la clocharde transie et les rôles s’inversent, changent de côté. Cela pourrait être le début d’un conte de Noël. Un conte qui nous rendrait plus humain, qui nous formerait, et qui nous laisserait changer à la fin. Mais, les bons sentiments s’ils ne servent pas le sens de la situation ne font que créer de l’ennui. Bertrand Blier serait-il aussi désabusé que le Vérificateur ? Personnage qui dans sa pièce s’incruste et cherche une nouvelle famille.  Où est le grand trublion iconoclaste ? Aurait-il tout dit dans ses films pour qu’il vienne au théâtre ? Se sent-il mal à l’aise dans cette époque de Street art où les rappeurs sont plus provocateurs que lui, et où tout le monde a son quart d’heure de gloire avec sa propre médiocrité ?

– Ce pour quoi je suis programmé, c’est-à-dire le cinéma, ne veut plus de moi, nous dit Bertrand Blier. En vérité, est-ce que je n’ai pas tout dit ? Est-ce que j’ai raison de m’obstiner ?

Comme auteur, le théâtre m’excite énormément. Comme spectateur, je le déteste toujours autant. C’est, pour moi, la pire des punitions. Surtout que, si l’on est un peu connu, on n’a pas le droit de se barrer. On est cloué sur son fauteuil. Un calvaire.

L’amertume et la nostalgie  sont à fleur de peau  dans la seconde pièce de Bertrand Blier : Désolé pour la moquette… Les affres de la vie de ses personnages semblent normalisées, riches ou pauvres c’est la même quête de la recherche du sens de leur existence. Hélas ! On se perd dans cet océan de moquette. Le vomi, le sang, les sushis, les histoires de cul des uns et des autres, cela malheureusement ne fonctionne pas. On aurait aimé, en plus fouiller, la même inspiration de Buffet froid qui hante par moment les répliques des comédiens. Car si l’on retrouve dans son texte les solitudes de ces êtres souvent paumés, mais si délicieusement riches d’humanité, on perd le fil dans la pensée d’un auteur qui passe du coq à l’âne et qui ne maîtrise plus la mosaïque des scènes qu’il a imaginé avec un peu trop de désinvolture. Alors comme en rade sur la feuille blanche, il passe soudain de l’urbanisation « moquettez-vous » à un huis clos ici et maintenant avec non plus des personnages, mais des acteurs en quête d’auteur. Pourquoi tant d’antipathie pour le théâtre ? On est triste Monsieur Blier. On attendait mieux d’un grand réalisateur qui nous a tant ravi par ses films.

Nous public, on se demande pourquoi on a été puni ? On n’est pas connu alors on a le droit de se barrer. Mais on reste jusqu’au bout pour la céleste Myriam Boyer.

Désolé pour la moquette…
De et mise en scène
: Bertrand Blier
Assistante à la mise en scène : Marie Sauvaneix
Avec : Myriam Boyer, Anny Duperey, Patrick Prejean, Abbès Zahmani et Jean Barney

Du 9 septembre 2010 au 1er janvier 2011

Théâtre Antoine
14 bd de Strasbourg, 75 010 Paris
www.theatre-antoine.com


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