À l'affiche, Critiques // Des Territoires (…D’une prison l’autre…) de Baptiste Amann, au Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris

Des Territoires (…D’une prison l’autre…) de Baptiste Amann, au Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris

Nov 06, 2017 | Commentaires fermés sur Des Territoires (…D’une prison l’autre…) de Baptiste Amann, au Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris

© Sonia Barcet

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Où l’on retrouve la fratrie de Baptiste Amann… Après Des Territoires (…Nous Sifflerons la Marseillaise…) voici le second volet du triptyque, Des Territoires (…D’une prison l’autre…). La question et l’inquiétude de l’auteur demeurent la même, quelle révolution connaîtra le XXIème siècle ? Là, c’est au regard de la guerre civile, la Commune de 1871, que s’interroge Baptiste Amann. Au retour d’un enterrement particulièrement cataclysmique et hilarant, celui des parents, dont la mort ouvrait le premier volet, notre fratrie Lyn, Hafiz, Benjamin et Samuel se trouve nez à nez dans leur pavillon de banlieue avec Lahcen et Moussa venus les prévenir qu’une émeute ravage le quartier. Sommés par la mairie de rester chez eux, contraints à la cohabitation, ils voient débarquer sans sommation une activiste, « hippie de merde », Louise Michel, luttant contre le projet d’extension du centre commercial qui oblige à raser le lotissement pavillonnaire. Personnage anachronique, grain de sable qui voit cette cohabitation forcée devenir un vaste débat où les questions posées n’ont pas forcement de réponses. La colère gronde, dedans et dehors, et les dissensions explosent. Peu à peu le territoire intime se fracture et bascule dans un territoire social et politique. L’enfermement familial et le déterminisme social ne font plus qu’un. La cohabitation, le communautarisme se répondent. Pas franchement des héros ni des va-t’en guerre, ni bourreaux ni victimes, coincés dans ce pavillon en placo, dans cette banlieue et dans leur vie, ils se révèlent peu dans leurs contradictions, leurs aspirations, leurs renoncements. Entre résignation et résilience. Entre résistance et radicalité. Mais le constat est amer comme le fut l’échec de la Commune, dernière partie de ce volet où nos personnages deviennent les figures des principaux protagonistes de cette guerre civile, et le verdict de Gustave Courbet est définitif, sans appel : « L’homme libre est un homme mort ». Et c’est Benny, l’aîné, le simple d’esprit, qui en paiera le prix. L’innocence lynchée par la meute. C’est un regard décalé et lucide, sans manichéisme aucun, que porte Baptiste Amann sur ces territoires dits perdus de la république. Sans jugement. Juste un constat factuel et doux-amer pour qui vécut 18 ans en banlieue. Au plus près de ces personnages, paumés magnifiques, à la niaque mordante, à la colère salutaire, qui vous abat comme elle vous tient debout, dont il dessine avec justesse les contours homériques. Rien de pittoresque ou de complaisant pour autant. Au contraire une formidable humanité inquiète mais déterminée, têtue jusqu’à la contradiction. De vrais caractères, entiers et complexes, et non des stéréotypes, balayant sèchement les clichés simplistes assénés ordinairement, loin de toute démonstration poisseuse et lourde. Avec ça une vraie écriture, aussi dense que son propos, poétique souvent, non sans un humour féroce pour désamorcer la violence, sans heureusement l’adoucir tout à fait. Servie par des acteurs au diapason, d’une énergie formidable, d’un engagement absolu. Une mise en scène au cordeau qui va à l’essentiel, sans temps mort, ne s’embarrasse pas du superflu, sèche et souple comme un coup de trique. Cela cogne fort, siffle juste, et vous zèbre sans aménité. Et comme le résume un des personnages « La révolution ce n’est pas un état de fait mais un état d’esprit ». Et c’est bien cet état d’esprit, tel un sentiment d’urgence, sans catastrophisme, qui du particulier à l’universel et soufflant au long de cette fresque bouscule nos préjugés. Du théâtre citoyen, engagé, comme on pouvait en rêver.

 

Des territoires (…D’une prison l’autre…) texte et mise en scène de Baptiste Amann

Avec Solal Bouloudnine, Naila Harzoune, Yohann Pisiou, Samuel Rehault, Anne-Sophie Sterck, Lyn Thibault, Olivier Veillon

Assistante à la mise en scène  Sarajeanne Drillaud
Régie générale et création lumière  Sylvain Violet
Création sonore  Léon Blomme
Scénographie  Gaspard Pinta
Costumes  Wilfried Belloc
Collaboration artistique et régie plateau  Florent Jacob
Régie Plateau (tournée)  François Duguest

Du 2 au 25 novembre 2017 à 21h
Relâche les dimanches et le samedi 11 novembre

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris

Réservations 01 43 57 42 14
www.theâtre-bastille.com

Festival d’Automne à Paris

Réservations 01 53 45 17 17
www.festival-automne.com

Du 5 au 9 décembre 2017 TnBA-théâtre national de Bordeaux-Aquitaine

Le 11 décembre Circa-Auch

Du 13 au 15 décembre Théâtre Sorano-Toulouse

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