Critiques // « Dernière station avant le désert » de Lanie Robertson au Théâtre du Petit St Martin

« Dernière station avant le désert » de Lanie Robertson au Théâtre du Petit St Martin

Sep 16, 2010 | Aucun commentaire sur « Dernière station avant le désert » de Lanie Robertson au Théâtre du Petit St Martin

Critique de Johann Gasnereau

Ce soir, je suis convié à une première au théâtre du Petit Saint-Martin. Le titre de la pièce m’a tout de suite séduit : Dernière station avant le désert. Ces quelques mots font immédiatement travailler mon imagination.

Dernière station avant le désert est la 3ème pièce écrite par l’auteur Lanie Robertson. Cet auteur américain, né en 1946, rencontre un succès tant aux Etats-Unis qu’au Canada. Il obtient même le prix de la critique pour Le dernier blues de Billie Holiday. Né dans le Middle West, et ayant voyagé à travers tout le pays, ses histoires s’articulent autour de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus complexe. « Toutes mes pièces sont politiques et contemporaines », dit-il.

© Lot

Elle raconte, en effet, la lutte d’un artiste, sa lutte pour exister. Il est question dans cette pièce de la survie de l’âme de personnages en état de siège. Dernière station avant le désert est fortement inspirée de son enfance passée dans le Texas et les personnages qu’il nous donne à voir, parlent, respirent comme ceux qu’il aurait croisés.  Il s’agit bien là, de souvenirs, d’échos. L’auteur s’est calqué sur ses propres expériences, son vécu, il est resté fidèle à une façon de parler des gens de sa terre natale. A la mise en scène, Georges Werler de la compagnie Eroc, et l’adaptateur Gilles Segal semblent être restés très fidèles à cet univers marqué de l’auteur, à son postulat de départ, qui fait toute l’intégrité de son œuvre.

Au bord du désert, dans une station où tout semble tranquille…

Le décor est unique, bavard mais vraiment réussi. Tout de suite, je suis plongé dans une atmosphère moite. Il fait chaud, on sent le désert, sa chaleur immuable, sans le moindre vent. Nous sommes dans une station service au bord d’une route peu passagère au bord du désert. Le ventilateur tourne. La route, on ne la voit pas, on l’imagine, derrière la porte. C’est l’histoire d’un couple, brillamment interprété par Vincent Grass et Florence Muller. Ils dominent la pièce par leur jeu si réaliste. Ils en imposent. Ils investissent l’espace. La pièce est très cinématographique dans le texte, – très travaillées –  et  dans les sons. Je pense tout de suite à Bagdad Café. On y est, on est avec eux. On vit et respire avec eux. L’ambiance est convaincante, on se laisse emporter pendant cette heure et demie. Nous ne sommes plus à Paris mais bien dans le désert, aux Etats-Unis, à regarder, comme des témoins, la vie de ce couple, composé de cette jeune femme désirable et de cet homme vieillissant et brute. A leur service, un jeune homme, certainement amant de la jeune femme, travaille pour eux. La femme rêve de faire la route pour Hollywood, elle attend que le téléphone sonne, voudrait devenir actrice, faire des bouts d’essai. On rêve avec elle d’un avenir un peu meilleur, on voudrait qu’elle quitte cette ambiance moite, pleine de cambouis, de saletés, qu’elle s’en aille au loin, dans une voiture qui ferait envoler la poussière étouffante de la route. Le mari, le verre whisky sur le comptoir, compte et recompte ses maigres dollars et désespère de voir une voiture s’arrêter. Les clients sont rares, la tension monte. Le jeune homme essaye de terminer ses mots croisés. On découvre qu’il est pris d’un amour fou pour la patronne et qu’il rêve de l’emmener loin de cette station service tandis qu’elle, souhaiterait qu’il supprime son mari avec l’arme à feu dissimulée dans le tiroir caisse pour être libre et partir tranquillement.

Une pièce Hollywoodienne cinématographique

La situation de départ me fait songer au roman de James Cain. Nous sommes dans la même race de texte. C’est brutal, fiévreux, frénétique, sans une once de raffinement. Les mots sont dits comme des coups de poing, tout comme les gestes. C’est vif, fort et érotique. Une histoire empreinte au meurtre, au viol, et surtout à la manipulation. Les retournements de situation, par deux fois, sont en effet, habiles et machiavéliques. Pas un des personnages n’est laissé à l’abandon,  tous ont un vécu, un parcours. Ils baignent tous dans la bestialité, dans l’immoralité, la cruauté et la perversité.

Les intentions de Lanie Robertson sont respectées. C’est intense et cela évite toute « pseudo intelligence ». Nous sommes dans un pur divertissement hollywoodien des années 50.

Dernière Station avant le Désert
De : Lanie Robertson
Adaptation : Gilles Segal
Mise en scène : Georges Werler
Avec : Vincent Grass, Emeric Marchand, Florence Muller, Frédéric Pellegeay, Benjamin Penamaria
Décor : Pace
Costumes : Dominique Para
Lumières : Jacques Puisais
Bande son : Jean-Pierre Prévost

Du 14 septembre au 20 novembre 2010

Théâtre du Petit Saint-Martin
17 rue René Boulanger, 75 010 Paris
www.petitsaintmartin.com

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