© Marie Clauzade
Article de Denis Sanglard
Avec Democracy in America Romeo Castellucci atteint les limites. Les siennes et les nôtres. (Mal) inspiré par les écrits d’Alexis de Tocqueville ce pensum de près de deux heures est aussi vide et hermétique qu’agaçant par son maniérisme devenu chic et désormais toc. Superbes images certes, on reconnaît la pâte, mais absconses par trop d’abstraction. Telle la toute dernière, fort longue, qui laisse franchement dubitative. Deux tubes articulés descendant des cintres, ballet mécanique dans un ciel brûlant, un enfant couché, − celui-là même qui plus tôt fut vendu pour quelques graines et des outils agraires −, mort ou endormi on ne sait, au sol. On avoue ne rien comprendre à cette conclusion au terme d’une création qui s’égare dans des méandres brumeux d’une réflexion pour le moins arbitraire et simpliste, voire simplette, sur les origines de la démocratie américaine. Et deux scènes centrales, longues elles aussi, laborieuses, bavardes, pour expliquer l’origine de cette démocratie puritaine : la colonisation des indiens et les pionniers, paysans pauvres soumis à la communauté et à la Bible. Pour les indiens, devant un bas-relief grec, évocation de la démocratie athénienne comme une promesse et un futur, Romeo Castelluci ne s’attarde pas. Réduit à un apprentissage des langues, comment parler anglais, et oublieux des massacres perpétrés. Pour les pionniers, qui revisitent le sacrifice d’Abraham, un peu trop. Et puis une évocation floue, au réel, et vite expédiée pour évoquer l’esclavage des noirs. Un chant d’esclave suffit à l’affaire. Voilà. Et beaucoup, beaucoup de remplissage. Des danses rituelles, folkloriques, comme sabbat pour combler le vide alors que défilent interminablement sur un écran les principaux évènements fondateurs de cette nation neuve. Mais tout cela nous file vite entre les doigts. L’émotion est absente devant ce néant. Romeo Castellucci nous tient à distance comme il se tient à distance de son sujet désincarné. On aurait aimé un point de vue, une lecture plus pertinente, abrasive, politique même devant l’élection de Trump, que la vacuité de ces vignettes purement illustratives et abstraites, collées les unes aux autres sans liens réels autres qu’être inspirées, de loin, par Alexis de Tocqueville. Mais rien de la violence et de la colonisation et de l’esclavage. C’est une création vaine, lisse qui vous glisse entre les doigts ou Romeo Castellucci encore une fois cède à ce qui parfois, autrefois, séduisait chez lui, un sens de l’image unique, mais qui, poussé aujourd’hui dans un formalisme, devient un système déconnecté des sujets abordés. Où l’image tue son sujet.
Democraty in America mise en scène de Romeo Castelluci
Librement inspiré de Alexis de Tocqueville
Avec Olivia Corsini, Giulia Perelli, Gloria Dorliguzzo, Evelin Facchini, Stefania Tansini, Sophia Danae Vorvilla
Et un ensemble de douze danseuses franciliennes Sara Bertholon, Marion Peuta, Maria Danivola, Flavie Hennion, Fabiana Gabanini, Juliette Morel, Adèle Borde, Flora Rogeboz, Ambre Duband, Azusa Takeuchi, Stéphanie Bayle, Marie Tassin
Interventions chorégraphiques Evelin Facchini, Gloria Dorliguzzo, Stefania Tansini, Sophia Danae Vorvila
Texte Claudia Castellucci et Romeo Castellucci
Musique Scott Gibbons
Assistante à la mise en scène Maria Vittoria Bellingeri
Mécanismes, sculpture de scène et prosthesis Istvan Zimmerman et Giavanna Amoroso
Décorateur Silvano Santinelli
Costumes Grazia Bagnaresi
Chaussures Collectif d’Anvers
Régie plateau Pierantonio Bragagnolo
Machinistes Andrei Benchea, Giuliana Rienzi
Régie lumières Giacomo Gorini et Andra Sanson
Régie son Paolo Cillerai
Habilleuse Elisabetta RizzoDu 12 au 22 octobre 2017
Mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 20h30
Samedi à 18h30
Dimanche à 16h30MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
9 boulevard Lénine
93000 BobignyRéservations MC93 01 41 60 72 72
reservation@mv93.comRéservations Festival d’Automne 01 53 45 17 17
www.festival-automne.com
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