Critique de Florian Fauvernier –

Trois hommes et un enterrement

Deux Michel, Duchaussoy et Aumont, déjà partenaires de jeu à la Comédie Française dans les années 60, autant dire deux monstres sacrés des planches, se retrouvent face à face sous la direction intelligente et fine de Marcel Bluwal.

Un cimetière, drôle d’endroit pour une rencontre
David et Edward, ce sont deux septuagénaires new-yorkais que rien ne destinait à se rencontrer sauf… une femme défunte. L’un est le mari et ignore tout de l’autre, l’autre est l’ami/ex-amant qui sait tout (ou presque) du mari. Ils vont peu à peu découvrir qu’ils ont partagé l’amour de cette même personne depuis cinquante ans. Mais s’agit-il vraiment de la même femme ?

Connaît-on vraiment la personne « à côté de qui » l’on a passé sa vie ?

Michel Aumont est le mari qui ignorait tout de la liaison de sa femme. C’est un homme irascible, jaloux, qui commence par refuser la vérité et se bat contre cet homme, surgit de nulle part, qui s’impose comme un homme clé dans la vie de la disparue. Michel Duchaussoy, toute en apparente gentillesse, avec sa force tranquille et sa ténacité, drapé dans la dignité, est venu pour prendre la place qu’il estime due. Le premier David/Michel Aumont est juif, le second Edouard/Michel Duchaussoy n’est pas juif. Le fonctionnement de cette comédie de moeurs n’est pas loin de l’esprit de Molière.

La pièce est intéressante à plus d’un titre : considérations sur l’amour, la jalousie, le sacrifice amoureux, la tromperie (qui trompe qui ?), la vie qui nous mène et qu’on ne choisit peut-être pas (« qui a eu la vie qu’il aurait aimé avoir ? « , dit l’un d’eux), la mort qui se profile …. Et pour mieux l’oublier ou l’attendre sans tristesse : l’humour !

L’humour subtil du texte, avec des répliques soudaines, mordantes, mais aussi des attitudes, des petits gestes et puis surtout des gueules. Les gueules de ces deux acteurs au sommet qui jubilent, ça se sent, de se balancer un texte si directement dans le blanc des yeux ! Sobres mais généreux dans leur jeu, extraordinairement à l’écoute l’un de l’autre, ils sont remarquables de justesse et donnent à leurs personnages une dimension dont seuls les très grands sont capables. Et quand ils saluent, humbles et presque fragiles, sous les applaudissements nourris, on pense : « respect, Messieurs ».

David & Edward
De : Lionel Goldstein
Mise en scène : Marcel Bluwal
Avec : Michel Aumont et Michel Duchaussoy

Du 19 janvier au 30 juin 2010

Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy, 75009 Paris – 01 44 53 88 88

Be Sociable, Share!

•