Critiques // Critique • « Dark Spring », mise en scène de Bruno Geslin au Théâtre Paris-Villette

Critique • « Dark Spring », mise en scène de Bruno Geslin au Théâtre Paris-Villette

Nov 12, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Dark Spring », mise en scène de Bruno Geslin au Théâtre Paris-Villette

Critique de Solveig Deschamps

« Dormir sans rêve, vivre sans douleur »

Unica Zürn en a été empêchée. Compagne d’Hans Bellmer, elle dessine et peint. Atteinte de schizophrénie, elle fera des séjours fréquents à l’hôpital Sainte Anne. En 1965 elle écrit « L’homme jasmin », son texte le plus connu. Le 19 octobre 1970 elle se défenestre. « Sombre printemps » est un de ses derniers écrits, texte prémonitoire sur sa mort. L’adaptation de Bruno Geslin donne envie de lire son œuvre. Bruno Geslin aime les univers sulfureux (« Mes jambes si vous saviez quelle fumée… » d’après pierre Molinier, « Crash ! Variations », « Kiss me quick »), ces univers où violence, douleur, fantasme, désir et sexe se croisent.

Dark Spring : C’est un peu quand on sait nager et qu’on se noie.

Un grand rideau transparent en avant scène qui va s’ouvrir et se fermer. Grand rideau d’une fenêtre d’où on peut se jeter. Un sol à carreaux blancs et gris, le promontoire d’une piscine, des lutrins. Et la voix sonorisée de Claude Degliame, cette voix grave si particulière, elle est la narratrice, elle est aussi la petite fille de l’histoire, elle est le désir de cette petite fille. Cette petite fille fascinée par son père, cette petite fille fascinée par Frida la jolie bonne et ses jarretières brodées de petites roses de soie, cette petite fille avec sa découverte du plaisir (première masturbation avec sa chaine en or) et le chien et le viol par le grand frère et puis cet homme dont elle est amoureuse à la piscine, elle n’a que 12 ans et puis la fenêtre dont elle se jette ne supportant pas que sa mère lui interdise d’aller à la piscine.
Claude Degliame semble transpercée par les mots qu’elles prononcent, comme s’il fallait absolument qu’elles s’en débarrassent et qu’elle voulait les garder, une fragilité à la Brigitte Fontaine. Elle déambule sur le plateau, sautille ou se pose derrière un lutrin pour lire.
Avec elle sur le plateau six musiciens, ils sont jeunes, talentueux, terriblement jeunes et ils ont l’air d’être là mine de rien, rockeurs doux peut-être une fausse douceur ? Cinq musiciens et une musicienne, toute fragile, qui va devenir cette petite fille en proie au désir, petite fille muette nous offrant son corps fluet.
Ils vont accompagner le récit, ils vont être les mots qu’Unica Zürn n’a pas pu écrire, l’histoire d’à côté, ils vont être une drôle de chanson.

Violente alchimie

Il y a aussi cette lumière qui passe du chaud au froid et puis les costumes et puis tout ça qui nous emmène au pays des désirs brouillés, des désirs souillés et même au pays des amours enfantines quand tout est confondu, incompréhensible et que c’est tellement fort qu’on a peur de mourir et qu’on ne peut pas s’en empêcher.
Et puis il y a cette tendresse que Bruno Geslin a pour cette petite fille, sans jugement, sans pitié et c’est bien. On se laisse emporter par cette terrible histoire malgré quelques petites longueurs vers la fin. Si on veut, on peut après aller se promener dans le parc de la Villette, s’arrêter en haut d’un pont, regarder l’eau couler et être heureux de ne pas avoir eu cette enfance là.

Dark Spring
D’après
: Unica Zürn, « Sombre printemps »
Conception, mise en scène, adaptation
: Bruno Geslin
Avec
: Claude Degliame et le groupe Coming Soon
Assistant à la mise en scène
: Julian Blight
Création musicale
: Coming Soon
Création lumière
: Laurent Bénard
Son
: Teddy Degouys
Images
: Quentin Vigier

Du 7 au 17 novembre 2011
Lundi, mercredi et samedi à 19h30, jeudi et vendredi à 21h

Théâtre Paris-Villette
Parc de la Villette, 211 avenue Jean Jaurès, Paris 19e
Métro Porte de Pantin – Réservations 01 40 03 72 23
www.theatre-paris-villette.com

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