ƒƒƒ Critique Suzanne Teïbi

 ©DR

Entre théâtre et opéra

Le spectacle s’ouvre sur une chanson. Mais très vite, on se sent mal à l’aise, quelque chose cloche. C’est alors que le duo de chanteurs est interrompu par le metteur en scène, qui arrête la chanson pour donner ses indications et réorienter la scène. Effectivement, il y a plusieurs niveaux de représentation, dans The second Woman. C’est que nous rentrons dans les coulisses d’un opéra. À quelques jours de la Première, nous assistons aux répétitions, jeux de pouvoirs, doutes et tentatives d’un metteur en scène et de ses chanteurs. Ainsi, une véritable mise en abîme nous fait accéder à la soi-disante intimité des comédiens et des chanteurs. Ici, deux champs artistiques se côtoient : l’opéra, et la pièce de théâtre qui se construit autour de opéra. L’opéra est franchement contemporain, dans le sens où il pose la question de comment écrire un opéra aujourd’hui. Frédéric Verrières puise dans un répertoire classique, et sait le réinventer, faisant cohabiter instruments d’orchestres classiques et actuels. Ici, le sample ou les musiques électroniques permettent de se réapproprier une œuvre. Le classique déborde, déraille, se renouvelle grâce à Véronique Sanson ou Beyonce. Le lyrique se confronte au populaire, à la variété, et s’en amuse.  Au-delà, si le projet est vraiment enthousiasmant, c’est aussi parce que The second Woman est plus qu’un opéra. C’est un projet de spectacle vivant, qui fait de multiples tentatives dramaturgiques, qui ose faire jouer tout un orchestre derrière un rideau pendant le pseudo temps de répétitions, orchestre que l’on ne verra que pour la Première. Il ose le hors-champs, il prend des risques, il brouille la frontière entre opéra et théâtre.

L’étrangeté

Le glissement devient total lorsqu’il devient impossible de distinguer ce qui est opéra de ce qui est théâtre, et si les troubles de chacun sont ceux du personnage de la pièce de théâtre, ou ceux de son rôle dans l’opéra qui se met en place dans la pièce de théâtre. L’étrangeté commence alors à gagner le plateau et se dilue partout. La répétition, en tant que telle, est exploitée jusqu’au bout, et s’étire jusque  dans son sens littéral. Quand une réplique est répétée plusieurs fois sans raison apparente, elle nous fait entrer dans un troisième niveau de représentation, celui du monde du rêve et des obsessions. Tout au long des répétitions, nous assistons aux jalousies, caprices et arrangements entre les chanteurs. Quand arrive le moment de la représentation, le décalage entre les répétitions et la Première ouvre le spectacle sur des variations et des clins d’œil au public. Aussi le déplacement perpétuel de l’enjeu permet de ne pas laisser le spectateur au bord de la route.

Cette dimension circulaire va dans le sens d’un spectacle généreux, résolument contemporain, populaire et exigeant.

The Second Woman
Mise en scène: Guillaume Vincent
Musique: Frédéric Verrières
Direction musicale: Jean Deroyer
Texte: Bastien Gallet
Dramaturgie: Marion Stoufflet
Scénographie: James Brandily
Lumières: Sébastien Michaud
Costumes: Fanny Brouste
Electronique musicale: Olivier Pasquet
Avec: Jean-Yvas Aizic, Jean-Sébastien Bou, Elizabeth Calleo, Jeanne Cherhal, Marie-Eve Munger, Philippe Smith, et Laurent Bômont, Jean-Marie Cottet, Pierre Dutrieu, Didier Meu, Eve Payeur, Marion Ralincourt, Alain Rigollet, Pablo Tognan, Alexandra Greffin.
Jusqu’ au 22 décembre
Mercredi 19, Vendredi 21 et Samedi 22 décembre à 20h30
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, Boulevard de la Chapelle – 75010 Paris
Métro La Chapelle
Réservation: 01 46 07 34 50
Métro La Chapelle
www.bouffesdunord.com

Une représentation aura lieu le 31 janvier au Forum du Blanc Mesnil
www.leforumbm.fr

 

 

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