Critiques // Critique. « Tendre et cruel ». Mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman au Théâtre des Abbesses

Critique. « Tendre et cruel ». Mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman au Théâtre des Abbesses

Fév 07, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. « Tendre et cruel ». Mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman au Théâtre des Abbesses

ƒ Critique Djalila Dechache

 

tendre et cruel 

Brigitte Jaques-Wajeman nous avait habitués à des créations du répertoire classique en s’attelant au théâtre de Corneille notamment. Aujourd’hui, elle nous livre sa dernière création, issue  du texte de l’auteur anglais Martin Crimp, écrit en 2004, et précise que :

« En travaillant sur l’œuvre de Corneille, je cherche à interroger une forme ancienne à travers le monde d’aujourd’hui. Je me situe ici au même endroit : je souhaite questionner, à travers la partition poétique de Crimp, le monde et le corps contemporain » (La Terrasse, février 2013).Brigitte Jaques-Wajeman a gardé son compagnonnage avec le dramaturge François Regnault et le compositeur Marc-Olivier Dupin. Le texte en français donne une étrange musique, à répéter les phrases, des bouts de phrases d’une lucidité inquiétante d’un ton éteint, comme si les comédiens étaient seuls au monde et se parlaient à eux-mêmes. Cette pièce arrive en plein conflit entre le Mali et la France, mais cela pourrait s’apparenter à toutes les guerres Rwanda, Afghanistan, Irak ou plus loin encore. D’ailleurs, l’auteur a transposé dans sa construction la tragédie de Sophocle Les Trachiniennes, au monde que nous avons fait aujourd’hui, mêlant amour et guerre, amour et destruction, amour et haine. Désillusion, amertume, désintégration.

Le théâtre de la cruauté

Un écran diffuse l’image d’une ville, la nuit, toute illuminée, vue d’avion, d’un avion à l’atterrissage imminent. Au centre du plateau du théâtre, un grand lit blanc, constamment refait, une femme dévêtue aux poses lascives, quelque chose de Marilyn dans la tonalité vocale aussi. Sous ses airs faussement candide et superficiel, Amelia, (Anne Le Guernec) l’épouse délaissée du Général parti « éradiquer le terrorisme : sans comprendre que plus il combat le terrorisme plus il engendre le terrorisme -et même invite le terrorisme -qui n’a pas de paupières- dans son propre lit », dit des choses justes, claires, froides comme la mort. Elle  va évoluer pendant près de 2 heures en trois temps forts : la vie, la stratégie, la mort. Bien sûr aucun acte violent n’est commis, elle est là pourtant bien là, la violence, violence qui transpire dans les corps, violence portée par les corps, elle imprègne tout, le Général tire sur tout ce qui bouge au bout du monde, accumule les succès militaires, sa femme récupère cette abjection à laquelle elle répondra par la mort. Y compris lorsqu’elle utilise sa dernière carte, le philtre d’amour censé le retrouver. Aux Tuileries, je n’avais jamais fait aussi attention à la sculpture de Marqueste située à l’entrée du jardin, représentant Déjanire, femme d’Héraclès, enlevée par le centaure Nessus.

Tendre et cruel Martin Crimp

1h50

Jusqu’au 21 février 2013, en semaine 20h30, le dimanche 15h.

Mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman
Version française Philippe Djian
Assistant Pascal Bekkar
Dramaturgie François Regnault, Clément Mercier
Décor & lumière Yves Collet
Costumes Laurianne Scimemi
Objets de scène Franck Lagaroje
Maquillages
Coiffures Catherine Saint-Sever
Musique  Marc Olivier Dupin
Images vidéo Clément Mercier
Avec Anne Le Guernec, Pierre-Stéfan Montagnier, Thibault Perrenoud, Bertrand Suarez-Pazos, Pascal Bekkar, Sophie Daull, Sarah Le Picard, Aurore Paris, Jenny Mutela, Arnold Mensah

Théâtre des Abbesses
31 rue des Abbesses Paris 18
Métro : Abbesses, Pigalle
Réservation : 01.42.74.22.77
http://www.theatredelaville-paris.com/aux-abbesses

 

 

 

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