Critiques // Critique. « Solness, constructeur » Henrik Ibsen au théâtre de l’Opprimé

Critique. « Solness, constructeur » Henrik Ibsen au théâtre de l’Opprimé

Déc 23, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. « Solness, constructeur » Henrik Ibsen au théâtre de l’Opprimé

ƒƒ Critique de Dashiell Donello

Solness 1

Un pacte diabolique ?

La pièce de Henrik Ibsen (1828-1906) nous parle de Solness, un constructeur autodidacte, ancien employé dans un cabinet d’architecture, qui a ruiné son patron, a pris sa place, et empêché toute succession possible par peur de la jeunesse, incarnée par la concurrence de Ragnar, fils de son ex patron. A l’aube de sa vieillesse, il fait un triste constat : la motivation n’y est plus, et la culpabilité sur l’incendie de la maison d’Aline et la mort de ses enfants, le ronge. C’est alors qu’arrive Hilde. Une jeune femme qui vient lui réclamer son « royaume », (pacte qui aurait lié Solness et Hilde dix ans plus tôt). Elle lui rappelle son geste, sa promesse et leur intimité. Il ne s’en souvient pas. Elle n’était qu’une enfant alors.

« La crise de Solness est aussi celle d’Ibsen se penchant sur son œuvre passée », peut-on lire dans le programme. C’est un raccourci que nous ne prendrons pas. N’est-ce pas plutôt, et c’est ce qui rend la pièce actuelle, le regard Ibsen sur la société et les contradictions de l’homme qui affronte un progrès bien trop en avance, sur une humanité figée ?  Comme aujourd’hui l’addiction à la technologie peut nous fait perdre de vue que l’essentiel,  serait justement que l’humanité anticipe le progrès. Que voulons-nous donner en héritage à ceux qui viendront après nous ? Une œuvre stérile et égocentrique, l’idéologie de l’écrasement d’autrui ou une harmonie éclairée ? Car n’est-ce pas de transmission existentielle dont parle Ibsen dans sa pièce ?

La mise en scène (Jean-Christophe Blondel) qui voudrait nous éloigner d’un « Ibsen sombre et lent par un ton qui aurait raison d’un phrasé réaliste », aurait gagné en simplicité. Le texte de l’auteur norvégien est assez puissant pour nous faire nous-mêmes « constructeur » par l’imaginaire. La très bonne illustration musicale (Jean-Luc Cappozzo et Benjamin Duboc) bien que l’on nous dise qu’elle n’est pas une musique d’ambiance ne peut éviter de l’être par instant. Et, il est étonnant de dire : « Elle ne vise pas uniquement à entraîner le public dans une émotion que les acteurs ne parviendraient pas à construire seuls. Elle établit un dialogue entre acteur et musicien, parallèle à l’action. Traversé, modifié par les stimulations du musicien, l’acteur n’est plus tout à fait maître de son jeu ». Nous spectateurs n’avons pas vu « un jeu de forces invisibles (qui) devient alors perceptible au public ». Au contraire nous dirions que l’acteur est le fondement du conte Ibsénien. Il est le point de fuite qui définit l’architecture de la pièce. Hilde (La très inventive Èléonore Joncquez) et Solness, (Le très généreux Philippe Hottier) sont les deux ingénieux constructeurs d’un château de chimère édifié sur d’obscurs secrets. Le vertige et la chute de Solness feront place au royaume de Hilde. C’est en cela que la pièce est une réussite ; elle s’incarne dans la machinerie du désir nouveau. De tous les désirs de demain.

Solness, constructeur
Texte de Henrik Ibsen
Nouvelle traduction Solveig Schwartz
Mise en scène Jean-Christophe Blondel
Assisté de Claire Chastel Dramaturgie Christèle Barbier
Avec Philippe  Hottier, Eléonoe Joncquez, Valérie Blanchon, Michel Melki, Claire Chastel (JTN), et les musiciens Jean-Luc Cappozzo et Benjamin Duboc
Musique Jean-Luc Cappozzo et Benjamin Duboc
Scénographie Marguerite Rousseau
Costumes Tormod Lindgren
Lumières Tatiana Elkine (JTN) La Divine Comédie
Le théâtre de l’opprimé
78 rue du Charolais 75012 Paris
Tel : 01 43 40 44 44
Jusqu’au 22 décembre 2012 – du mercredi au samedi 20h30
Métros : Reuilly-Diderot, Montgallet, Dugommier
http://www.theatredelopprime.com/index.html

 

 

 

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