Critiques // Critique • « Si ce n’est toi » d’Edward Bond, mise en scène de Simon-Pierre Ramon au Théâtre de l’Opprimé

Critique • « Si ce n’est toi » d’Edward Bond, mise en scène de Simon-Pierre Ramon au Théâtre de l’Opprimé

Nov 21, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Si ce n’est toi » d’Edward Bond, mise en scène de Simon-Pierre Ramon au Théâtre de l’Opprimé

Critique de Bruno Deslot

« Si ce n’est toi… c’est donc ton frère » !

Un passé oublié, un présent administré et entre les deux le frère, l’intrus, l’inconnu qui revient de nulle part ! 2077, une nouvelle ère, celle du chaos et de l’oubli pour cette société lointaine et à la fois si proche de nous. Radicalisation de la pensée, aseptisation de l’environnement, à peu près tous les ingrédients du théâtre d’Edward Bond sont réunis dans cette pièce qu’interprète, en ce moment, la jeune compagnie Sylphide au Théâtre de l’Opprimé.

© Cie Sylphide

« Deux hommes, une femme, deux chaises, une table. » Cela pourrait faire l’objet d’un titre d’une pièce de théâtre car déjà ces quelques mots en disent long sur le contenu de la proposition. Deux chaises et pourtant trois personnages ! Il y en a un de trop ! C’est le frère, Grit, l’inconnu, celui qui est venu retrouver sa sœur, Sara, qui ne se souvient pas de lui, ni du reste d’ailleurs. Une révolte brutalement réprimée semble avoir laissé place à un pouvoir très autoritaire. Le chômage, les suicides font désormais partie d’une société aseptisée ayant aboli son passé. Sara et Jams forment un couple au sein duquel la mémoire fait défaut. Quelques archives subsistent tout de même, celles de leur comptabilité et de leurs disputes d’une extrême futilité. Qui le premier s’est assis sur la chaise de l’autre ? Dialogue récurrent marquant bien les limites de leurs échanges ainsi que les tensions qu’ils expriment. Leur espace de vie se situe à l’intérieur de la maison, le monde s’en est absenté ! Un étonnant huis clos au sein duquel le frère est accueilli comme un chien dans un jeu de quille car sa venue précise des lambeaux de mémoire et ouvre des gouffres insondables.
Les glissements de terrain sont nombreux car le socle sur lequel repose les personnages est déjà bien érodé par la violence d’une réalité ignorée.

© Cie Sylphide

La blancheur du décor ramassé à cour accentue le sentiment d’opacité que les dialogues génèrent. La scénographie est réduite a minima, laissant un espace vide à jardin et donnant ainsi le vertige par un effet de balancier entre ces deux parties distinctes. Aucun élément matériel ne peut faire allusion à un passé quelconque et plonge les personnages dans un anonymat exemplaire. On devine, ou l’on souhaiterait connaître le passé de Jams. Celui de Sara s’éclaircit par petites touches lorsque son frère lui rend visite et lui présente une photo de famille. La lumière rythme le cours des événements en accompagnant les intentions de l’auteur de manière très explicite et sans doute un peu trop, comme le reste d’ailleurs. Simon-Pierre Ramon aurait pu jouer davantage la carte de la suggestion car il maîtrise parfaitement bien la direction d’acteurs mais s’attaque de front à cette pièce de Bond et sans réserves. Entre comédie et tragédie, les frontières deviennent trop lisibles, prévisibles alors que l’ensemble devrait reposer sur une caution plus énigmatique, fluide et moins tonitruante. Les éclats de voix des comédiens desservent le texte dont on perd le plus souvent toute l’intensité. Les claquements de chaises, de table, des éléments du décor en fond de scène, parasitent l’attention du spectateur et appauvrissent le propos. Pourtant, le silence s’impose parfois comme un moment salvateur, un moment de communion avec le texte, de recueillement. L’interprétation des comédiens est de belle facture mais cette diction souvent approximative et ces agitations non justifiées, les desservent alors qu’ils pourraient allez bien au-delà de ce qu’ils proposent. Cette jeune compagnie a le mérite d’aller jusqu’au bout de ses engagements artistiques et sans concessions. Investie dans un travail et une réelle réflexion sur le théâtre, la maturité ne leur permettra que de proposer toujours mieux. Affaire à suivre…

Si ce n’est toi
De
: Edward Bond
Mise en scène
: Simon-Pierre Ramon / Cie Sylphide
Avec
: Jean-Alois Belbachir, Xavier Besson, Marik Renner
Scénographie et costumes
: Benoît Grégoire
Lumière
: Tanguy Gauchet

Du 16 au 27 novembre 2011
Du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 17h

Théâtre de l’Opprimé
78/80 rue du Charolais, Paris 12e
Métro Reuilly-Diderot, Montgallet – Réservations 01 43 40 44 44
www.theatredelopprime.com

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