Agenda, Critiques // Critique . « Sallinger » au théâtre de L’Opprimé

Critique . « Sallinger » au théâtre de L’Opprimé

Sep 30, 2012 | Aucun commentaire sur Critique . « Sallinger » au théâtre de L’Opprimé

Critique de Marie Surget

En 1977 Bernard-Marie Koltès signe Sallinger qui place son action au début de la guerre du Vietnam (1964-1975). Il s’agit d’une commande de Bruno Boëglin, comédien, auteur et metteur en scène de théâtre français qui souhaite alors travailler à partir de l’œuvre littéraire de J.D Sallinger, agent de contre-espionnage puis écrivain à partir de 1950. Au Théâtre de l’Opprimé dans le cadre de la 3ème édition du festival « Pleins feux sur la jeune création », quatre compagnies affirment leur position dans la création contemporaine sur une période d’un mois.

La compagnie de l’autre-côté prend en charge cette œuvre noire et grinçante qui propulse huit personnages au-devant d’une scène durant deux heures pour les pousser ensuite dans le vide et en faire des oubliés…

Cette équipe constituée de huit comédiens et d’un musicien, guidés par Nicolas Hardy à la mise-en-scène, fait preuve d’un grand travail esthétique et minutieux. Les artistes racontent le chemin de huit âmes profondément seules et pourtant hantées par une présence ; Celle de ce spectre à la fois glaçant mais encore trop brûlant dans les pensées de ses proches : Le Rouquin.

De ces rues de New-York plongées dans une luminosité entre chien et loup, de cette pression qui monte jusqu’à l’éclatement des corps et de la raison, la compagnie de l’autre côté en a fait de vrais tableaux avec tout un travail de lumière qui nous fait voir chacun des personnages sans nous les faire connaître, cette semi-obscurité qui montre, les montre sans ne  jamais les révéler tout entier. L’image mais aussi le son ; accords aigus du violon accompagnant le retour fracassant d’un jeune homme mort et enterré, de multiples instruments qui traduisent des cris intérieurs, des rythmes de pensées dans ce décor minimaliste où chaque élément est indispensable. Un décor en hauteur côté jardin, un espace instable côté cour, un grand escalier au centre de l’espace spectateur… Une sensation de vertige peut-être ?

© Leïla El Omari

En effet, ce spectacle semble donner une notion d’instabilité, quelque soit le décor que les personnages traversent, ils sont toujours mis en danger, marchant alors sur le fil qui peut lâcher sans prévenir et alors lâcher les pulsions, déchaîner les âmes et faire tomber les corps.

« Notre démarche créative est de travailler sur l’épuisement. Fatiguer les corps, les esprits afin de lâcher prise sur l’intellect et revenir à l’essence de l’Homme, ce qu’il y a de plus pur et puissant en lui, son instinct.». Tels sont les mots de Nicolas Hardy dans sa note d’intention faisant partie du dossier de presse. En effet tous les éléments scénographiques et musicaux servent ce parti-pris. Cependant cette notion de « lâcher prise » ne s’accorde pas toujours avec le jeu des comédiens qui reste tout de même souvent dans un certain contrôle. Il y a comme quelque chose qui ne va pas jusqu’au bout et qui fait se demander si les comédiens sont traversés par le texte ou envahis par l’envie d’être traversés par celui-ci…

© Leïla El Omari

Pourtant certains moments sont riches en matière de jeu et d’écoute. Des instants où les comédiens font des mots de B.M Koltès les leurs, qu’ils l’adressent au public, aux autres comédiens ou à eux-mêmes et où une grande sincérité donne une incroyable puissance à certaines scènes. C’est cette inégalité de moments parfois très intenses et d’autres moins habités qui nous laisse tout de même sur notre faim…

Sallinger

De Bernard-Marie Koltès librement inspirée de l’œuvre de Jérôme David SALINGER

Mise en scène :  Nicolas Hardy
Avec Chloé Chazé, François Deblock, Rhizlaine El Cohen, Lola Eliakim, Fabian Ferrari, Ambre Pietri, Clément Séjourné, Damien Zanoly
Direction musicale :  Minyin II régie son Alexandre Babeanu
Lumière :  Charlotte Gaudelus
Scénographie :  Florence Adam
Du 26 au 30 septembre 2012 – Du mercredi au samedi à 20h30 et le dimanche à 17h
Théâtre de L’Opprimé
78-80 rue du Charolais 75012 Paris
Métro :  Reuilly-Diderot, Montgallet, Dugommier, Gare de Lyon
Réservation : 01 43 40 44 44
www.theatredelopprime.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.