Critiques // Critique . Qu’on me donne un ennemi. Heiner Müller. André Wilms. Aux Bouffes du Nord.

Critique . Qu’on me donne un ennemi. Heiner Müller. André Wilms. Aux Bouffes du Nord.

Mar 29, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . Qu’on me donne un ennemi. Heiner Müller. André Wilms. Aux Bouffes du Nord.

ƒ Critique Djalila DechacheQU ON ME DONNE UN ENNEMI

© Pascal Gély

André Wilms n’en est pas à sa première expérience avec les metteurs en scène allemands (par exemple Klaus Michael Grüber) ni avec les textes d’Heiner Muller. Il pense que « L’art, c’est monstrueux, indescriptible, c’est méchant, sans concession. Le public ne s’y intéresse pas. Tout le reste, c’est de la culture, de la politique culturelle, de la culture d’entreprise »… Il cite aussi Brecht : « Faire du théâtre, c’est organiser le scandale. », et Heiner Muller : « Qu’on me donne un ennemi ! ».

Justement, parlons-en. De quoi s’agit-il ? Le théâtre d’Heiner Müller travaille sur les mythes. Le dramaturge dialogue avec les anciens, avec les morts, notamment Sophocle, Euripide ou encore Shakespeare et Laclos.

 

« Ma vie sera de toute façon trop brève pour être remplie… ».

Ici, dans cette forme narrative poétisée « Drei Time Ajax », tiré de l’un des derniers poèmes de Müller, c’est Ajax le héros de la guerre de Troie qui est interpellé, et Prométhée, et Héraclès, imbriqué dans une critique sans merci de la politique allemande contemporaine et celle de ses voisins, cette Europe balbutiante, en balançant des Staline, Trotsky, Léninedada, mais aussi des noms de dramaturges Peter Zadeck, Buchner, Brecht, etc. L’ensemble donne lieu à des mélanges assez inattendus : « J’ai mis Faust dans le sarcophage de Goethe à Weimar », « Donne-nous aujourd’hui notre crime quotidien » ou encore « La statue de Brecht est un prunier à feuilles brèves ».

La musique assez tonitruante au départ s’apaise par des bribes de la chanson « Back in USSR », sans doute référence mythique moderne au titre-culte de l’album des Beatles de 1968, chanté par le musicien-chanteur à la voix enveloppante Sylvain Cartigny.

D’autres textes suivent : Frag, Onasis et Blaubart, la libération de Prométhée. Ce qui frappe dans cette performance-exploration, c’est de constater combien André Wilms est le rocker numéro un du groupe Sentimental Bourreau que dirige Mathieu Bauer. Il fait une lecture à la fois chantée, scandée avec des syllabes aigües comme un tic vocal ou un réflexe nerveux. C’est maitrisé à souhait, jamais il ne va trop loin, toujours au bord de l’excès, du malaise, la tension juste ce qu’il faut. Le texte est comme une bête qu’André Wilms qui fume, qui boit qui se lève, s’éloigne et revient, tient à distance et avec laquelle il lui arrive de délirer un peu.

Et puis il y a la langue allemande, la lumière sculptée, une voix off, la vidéo qui devient rature de texte illisible, le tout rendant  parfois l’atmosphère irrespirable et brouillée.

Qu’on me donne un ennemi
D’après Heiner Müller
Avec André Wilms
Batterie Mathieu Bauer
Sampler, basse Lazare Boghossian
Guitare, basse Sylvain Cartigny
Lumière Jean-Marc Skatchko
SonDominique Bataille
Vidéo Stéphane Lavoix

Jusqu’au 31 mars 2013 à 19h, dimanche 16h
50 minutes environ

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis Bd de la Chapelle
75018 Paris
Métro : La Chapelle
Réservation 01 46 07 34 50

http://www.bouffesdunord.com

 

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.