Critiques // Critique • « Paysage » d’Harold Pinter, mise en scène Yves Penay à l’Aktéon Théâtre

Critique • « Paysage » d’Harold Pinter, mise en scène Yves Penay à l’Aktéon Théâtre

Déc 21, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Paysage » d’Harold Pinter, mise en scène Yves Penay à l’Aktéon Théâtre

Critique de Djalila Dechache

« Paysage » est une pièce peu montée paraît-il, mais c’est une pièce de Pinter qu’il a écrite en 1967, créée à la BBC en 1968 sous le titre de « Lanscape ». En France, elle fut présentée en 1970 sur France-Culture dans une traduction et une mise scène d’Eric Kahane.

La vérité au théâtre est à jamais insaisissable.

Dès le noir installé dans la petite salle du théâtre, une voix off prise dans le souffle du vent, dit : « Il n’y a pas de distinctions tranchées entre ce qui est réel et ce qui n’est pas réel, entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Une chose n’est pas nécessairement vraie ou fausse ; elle peut être tout à la fois vraie et fausse. La vérité au théâtre est à jamais insaisissable. Vous ne la trouvez jamais tout à fait, mais sa quête a quelque chose de compulsif. Cette quête est précisément ce qui commande votre effort. Cette quête est votre tâche (…). Mais la réelle vérité, c’est qu’il n’y a jamais, en art dramatique, une et une seule vérité à découvrir. Il y en a beaucoup ».
Cet extrait, écrit en 1958, est emprunté au discours que fit Harold Pinter lors de la remise de son prix Nobel de littérature en 2005.

Ce texte est tout à fait passionnant parce qu’il est directement concret et pour sa démarche d’auteur dramatique et concret aussi pour la pièce « Paysage » notamment.

Une femme parle de la plage, de la chaleur des dunes, de la fraîcheur de l’eau, « les hommes bougent naturellement dit-elle, mon homme dormait au bas de la dune », « un enfant à nous , ça te plairait ? ».
Lui, parle du chien disparu, « je ne t’en ai pas parlé, je voulais t’en parler ». « J’aurais dû emporter du pain pour nourrir les oiseaux » lance-t-il.
Dès qu’il se rapproche d’elle, elle refuse le moindre geste. On entend la mer au loin.
Touts les quarts d’heure environ sont ponctués de mouvements apportant de la musique, des déplacements de chaises, de changements de vêtements, de lumière violente, eux qui sont dans une semi-obscurité.

Toute la durée de la pièce se développe ainsi entre faux-fuyants, corps-à-corps et absence de communication directe, absence de compréhension. Parfois ils se retrouvent quelques instants pour se remettre dans l’évitement pour ne pas se parler, ne pas se répondre, ne pas se voir ni se regarder.

Un homme, une femme, une vie.

Les comédiens sont diamétralement opposés en toutes choses : La femme, et l’on peut comprendre ce parti-pris de provocation du metteur en scène Yves Penay, ne tient pas la route comme on pourrait dire parce qu’ elle n’articulait pas assez ses tirades, et c’est la moindre des choses que d’entendre le texte quand nous sommes dans un registre minimaliste. D’autre part en terme de présence, il n’y en avait pas ! Son jeu quand par moments il y en avait, était morbide et n’inspirait rien, ne laisse rien.

L’homme est jeune, vigoureux, plein de vie et de fougue.
Ulysse di Gregorio, vient de terminer sa formation de comédien et est aussi photographe argentique, s’empare du rôle magnifiquement. Sa voix et sa diction sont parfaits. Son corps est mis à rude épreuve parce que le rôle l’exige bien sûr mais parce qu’il est généreux, entier, au cours de la représentation il se transforme, il est différent, autre, son regard est flottant, dans l’entre-deux, totalement pris dans le personnage.

A la question pourquoi ce choix de texte et de personnage , il répond : « Je l’ai trouvé poétique dans sa langue, incisif et cru par moment et surtout ce qui m’a séduit c’est l’incommunication entre deux êtres humains, ce qui nous amène à une certaine réflexion sur nos rapports ; on est comme sur un fil perché dans le vide on y marche mais à chaque pas que l’on fait on ne sait précisément où nous conduira le prochain. J’ai envie de dire comme dans la vie, simplement on croit souvent connaître le prochain pas mais je crois que l’on connaît rien, on ne sais pas ce qui peut se passer; on ne sait rien et on croit savoir ».

Il n’y a donc rien à ajouter de plus.

Paysage
De : Harold Pinter
Traduction : Eric Kahane
Mise en scène : Yves Penay
Avec : Marie-Thé Picou et Ulysse di Gregorio
Compagnie ART4 – Théâtre d’Ulysse

Du 19 décembre 2011 au 14 février 2012
Les lundis et mardis à 20h

Aktéon Théâtre
11 rue du Général Blaise, Paris 11e
M° Saint-Ambroise — Réservations 01 43 38 74 62
www.akteon.fr

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.