Critiques // Critique. “Par hasard et pas rasé” de Camille Grandville et Philippe Duquesne au théâtre Le Monfort

Critique. “Par hasard et pas rasé” de Camille Grandville et Philippe Duquesne au théâtre Le Monfort

Déc 24, 2012 | Aucun commentaire sur Critique. “Par hasard et pas rasé” de Camille Grandville et Philippe Duquesne au théâtre Le Monfort

ƒƒ Critique de Jean-Christophe Carius

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©DR

Ex-fan de Gainsbourg

Disparu en 1991, à l’âge de 62 ans, Serge Gainsbourg était venu au monde en 1928, un an avant Jacques Brel ou Claude Nougaro. Sa carrière artistique, exercée principalement dans le domaine de la chanson, fut particulièrement intense en créativité et en productivité. Bien que vingt années se soient déroulées depuis sa disparition, bon nombre d’artistes du music-hall francophone actuel moirent encore leurs textes et leurs dictions de la gravité lapidaire, sombre et brillante, dont il para ses vinyles. En plaçant leur spectacle-concert “Par hasard et pas rasé”, dans une disposition de cabaret, Camille Grandville et Philippe Duquesne reviennent aux origines de la démarche artistique de Gainsbourg qui débuta dans la foulée de Boris Vian au “Milord L’Arsouille”, lieu fameux des années 50 dont le nom révèle étrangement le fond du dandysme de l’artiste. “Par hasard et pas rasé” se déroule de nos jours et raconte la soirée d’un groupe de musiciens itinérants, professionnels jouant de gala en gala, représentant un ensemble modeste, consciencieux et fort sympathique. Le groupe, qui est composé d’un chanteur-leader, de deux choristes féminins et d’un trio piano, contrebasse, batterie, a été, ce soir là, engagé pour rendre hommage au répertoire de Gainsbourg. Déployant avec beaucoup de subtilité mille détails qui réorientent le cadrage, la mise en scène enchevêtre les différents niveaux de narration et développe son propos, sans couture apparente, à travers les digressions entre musiciens, les réflexions et les souvenirs personnels du chanteur incarné par Philippe Duquesne, les évocations scopitone de la vie de Serge Gainsbourg et, bien entendu, l’interprétation live des chansons de l’artiste.

Par le truchement de cette inventivité théâtrale fine et directe, le spectacle ouvre l’oreille du spectateur sur l’admirable maestria d’un maniérisme pop moderne exigeant et ambitieux, une volonté créative capable d’imaginer un hit en stylant du Verlaine sur une partition de Chopin ou un mouvement de Dvorak. La pièce fait démonstration de la formidable dynamique née d’un talent intelligent, lettré et industrieux s’évertuant à conjuguer avec bonheur des paradoxes apparents, cynisme et générosité, classicisme et popularité, posture de l’artiste maudit et figure de la star adulée. L’adaptation musicale de Joël Bouquet, pleine de swing à la qualité harmonieuse, et l’interprétation vocale de Philippe Duquesne, faite « d’osmose et de distance », souligne avec fidélité l’essence de la recherche artistique, tout en se libérant de l’ombre portée souvent trop marquante de la personnalité médiatique de Gainsbourg. Le spectacle met ainsi en valeur, non seulement l’intention de l’artiste dans la création de ses chansons, mais la forme que celles-ci prennent au contact de l’imaginaire et du quotidien des individus qui les reçoivent et les apprécient, la création telle qu’elle se retrouve dans sa forme partagée. Il inaugure en quelque sorte, pour l’œuvre de Gainsbourg, l’heure du passage à la postérité, où le travail de l’artiste se met à exister indépendamment de la force de la présence de sa personne. S’imposent alors librement toutes les vertus intemporelles qu’il a exercées. En l’occurrence et parmi d’autres, perdure l’extase du mariage heureux des écritures classiques et contemporaines, créant un désir irrépressible de le voir renouvelé dans la sphère de notre actualité. D’ouïr désormais rimer “j’aimerais que ce tweet” avec “elles s’envoient au zénith”, ou avec “mon cœur qui palpite”.

 

Par hasard pas rasé
De Camille Grandville & Philippe Duquesne
Mise en scène Camille Grandville
Assistant mise en scène & chorégraphie Jean-Charles Di Zazzo
Avec Philippe Duquesne, Célia Catalifo, Valentine Carette (en alternance avec Célia Catalifo sur certaines dates) & Adeline Walter
Piano et arrangements Joël Bouquet contrebasse Patrice Soler batterie Guillaume Arbonville
Avec la participation filmée d’Anne Benoît & Yolande Moreau
Son : Dominique Forestier
Lumière : Nicolas Gilli
Vidéo : Stéphan Guilhou & Eric Marcheux
Costumes : Gwendoline Grandjean
Coach vocal : Anna Desreaux
Remerciements à Mityl Brimeur, Lucie Guillemet, Gérald Portenart
Durée 1h40
Jusqu’au 19 janvier 2013 – Du mardi au samedi 20H30- Relâche le 25 décembre 2012 et le 1er Janvier 2013

Le Monfort
Parc Georges Brassens
106 rue Brancion -75015 Paris
Métro : Porte de Vanves
Réservation : 01 56 08 33 88
www.lemonfort.fr

 

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