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Critique. « Oh les beaux jours » au théâtre de l’Atelier

Mar 25, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. « Oh les beaux jours » au théâtre de l’Atelier

ƒƒƒ Critique Dashiell Donello

Catherine Frot Oh les beaux jours

© Pascal Victor

Vieux style ?

Enlisée au centre d’un Tridacne géant[1], de plis, d’herbes et d’écailles, Winnie. La cinquantaine, de beaux restes, épaules nues et poitrine plantureuse. Son cou exhibe un charmant collier de perles. Elle dort dans la simplicité d’un ciel sans nuages.

Du vieux style ? Pas vraiment. Ce sont les nombreuses didascalies qu’affectionnait Samuel Beckett (1906-1989). Les controverses sur ce point n’épuisent pas le sujet. Nous serons donc laconiques. Les uns défendent une poésie du dialogue entre l’auteur et le texte. Les autres argumentent l’emprise trop autoritaire, qu’aurait eu Beckett, sur un imaginaire frustré qui limiterait toute velléité de mise en scène, autre que celle du maître. Bref, à ce train là, Madeleine Renaud n’aurait jamais dû jouer la pièce, lorsqu’elle créa le rôle à soixante trois ans…

Mais revenons à l’apaisant trompe-l’œil d’une plaine, aussi dénudée que les épaules de Winnie, dans l’aveuglante lumière, entrecoupé de longs temps par des sonneries perçantes. La journée commence pour Winnie qui guette le réveil de son mari Willie ; plus ou moins caché à l’abord de son trou. Elle cherche le dialogue avec son époux ne supportant pas de prêcher dans ce désert, où, parfois une fourmi lui rend visite encombrée d’un œuf, qui trahit la fornication. Willie plaisante sur la vie « érotique » du petit insecte. Aussitôt fusent les rires complices  du couple. Quelle joie pour Winnie qui était persuadée que cela ne leur arriverait plus jamais… de rire. « Ho le beau jour encore que ça aura été », nous dit Winnie.

Aucun rôle n’est la propriété de qui que ce soit

Disons-le tout de suite, et sans flagornerie, Catherine Frot nous fait oublier la grande Madeleine Renaud. Il ne s’agit pas de comparer, mais de proclamer qu’aucun rôle n’est la propriété de qui que ce soit. Car, il y aura toujours autant de Winnie que de comédiennes qui oseront l’interpréter. La mise en chair de Catherine Frot est tout à fait excitante, tant son énergie, son expression faciale, sa grâce corporelle, sont admirables. Catherine Frot a l’âge du rôle, ce qui donne des ouvertures à un humour possible, dans une philosophie moins noire. Quel plaisir d’entendre Beckett avec intelligence, malice et joliesse. Plus elle s’enlise plus elle chante les beaux jours. Car la dictature du temps, ne peut atténuer la force, qu’a Winnie de son amour pour la vie. Sur le fil de la mémoire le langage beckettien est un funambule dont l’équilibre est un poème. Oh les beaux jours nous  bouleverse jusqu’au dernier geste de blâme et de pitié impuissante de Willie.

La direction d’acteur de Marc Paquien a atteint à la symétrie d’un personnage éternel et d’une comédienne à l’aura lumineuse. Bien accompagnée par l’astucieux Jean-Claude Durand dans le rôle de Willie. Oh la belle soirée que ça a été !

OH LES BEAUX JOURS
De Samuel Beckett
Mise en scène Marc Paquien
Assisté de Martine Spangaro
Avec: Catherine Frot Jean-Claude Durand

Équipe technique:
Collaboration artistique Elisabeth Angel-Perez
Scénographie Gérard Didier
Lumières Dominique Bruguière
Costumes Claire Ristrerucci
Maquillages Cécile Kretschmar

Jusqu’au 1er juin – Du Mardi au Samedi à 21h00 – Matinée Samedi à 17h
Durée de la représentation: 1h20

Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
Métro : Anvers
Réservation : 01 46 06 49 24
http://www.theatre-atelier.com


[1] Le décor fait penser à un Bénitier, mollusque géant

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