Critique de Pauline Decobert –

Pascal Dusapin a créé 27 lieders d’après divers textes de Nietzsche (poèmes, « Le Gai Savoir » etc.) pour Georg Nigl. Une rencontre à l’origine d’une œuvre.

Quand la musique s’affranchit des dogmes : voyage dans les hauteurs.

Nietzsche n’est connu généralement que comme philosophe, mais bien peu pour ses poèmes, et son rapport à la musique est souvent réduit à sa relation avec Wagner. Mais la poésie et la musique ont une grande place dans son œuvre : Nietzsche danse, oscille entre l’amour qu’il leur porte et le rejet qu’il pense devoir être celui du libre-penseur. Rappelons qu’il a d’ailleurs lui-même composé ! Dusapin ne prétend pas avoir proposé une création sur Nietzsche, mais plutôt sur ce qu’il nomme lui-même “son” Nietzsche.

© Marthe Lemelle

Pourtant, on retrouve dans « O Mensch! » beaucoup des thèmes qui tiennent fortement à Nietzsche lui-même, comme la hauteur, le feu, la mer, la tempête, la joie, la solitude… Dusapin s’est approprié Nietzsche, sans le déformer, ce qui est véritablement un tour de force en soi. Georg Nigl, fascinant, s’envole dans de multiples registres. Tantôt sous-terrain dans une gravité ample, tantôt léger et aérien, il explore Nietzsche comme il explore son propre corps, son propre visage, richesses de contradictions. Et quel visage! Nigl en joue avec une expressivité parfois même effrayante. Et quelle voix ! Si extraordinaire qu’il est difficile de la qualifier.

© Marthe Lemelle

La mise en scène de Dusapin fait que la lumière puise sa force dans sa rareté : précieuse, elle dévoile par touches. Presque matérielle, elle semble peindre elle-même le corps de Nigl émergeant de l’ombre.

La musique de Dusapin s’offre comme un voyage possible sur les hauteurs escarpées, belle et douloureuse, aux influences multiples telles que Purcell (on pense forcément au fameux « O solitude », qui aurait pu être un titre nietzschéen), certaines résonnances de John Cage et Steve Reich, et même quelques échos de Wagner ! C’est-à-dire que sa création est donc tout à fait personnelle! « Maudite l’éducation qui crache ! ».

O Mensch !
Poèmes : Friedrich Nietzsche
Musique et mise en scène : Pascal Dusapin
Chant : Georg Nigl
Piano : Vanessa Wagner
Dispositif électroacoustique et vidéo : Thierry Coduys
Assistant mise en scène : Julien Fisera
Lumière : Sebastien Michaud.

Du 15 au 19 novembre 2011
Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 21h

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis Bd de la Chapelle, Paris 10e
Métro La Chapelle – Réservations au 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

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