Critique de Bruno Deslot

Miss Knife à la pointe du couteau !

Née il y a 25 ans et après quelques années d’errance, cette créature improbable qui a su mettre ses plumes sur ses fesses pour se donner en spectacle, revient pour un nouveau récital toujours aussi incisif et poétique.

Vêtue d’une longue robe argentée, que les lumières du Théâtre illuminent, perchée sur de hauts talons noirs qui accentuent la verticalité de son vêtement fendu jusqu’à l’entre-jambes, Miss Knife investit la scène triomphante, telle une gloire déchue du music-hall d’antan. Certes, les années ont passé et elle s’est assagie mais c’est pour mieux revenir en force avec de nouveaux textes toujours aussi grinçants dans une ambiance résolument jazzy. C’est chaud, coloré, ironique et pathétique, Miss Knife en joue, coiffée d’une perruque à la blondeur dépassée, rehaussée d’un diadème achevant de donner le coup de grâce à son personnage couvert de perles. Le rouge pourpre de son collant opaque excite le regard tout en mettant à mal tous les stéréotypes auxquels on pourrait associer la Miss toujours là où on ne l’attend pas !

Elle lèche les rimes de ses ballades pour mieux les avaler d’un rire de gorge ou d’une œillade pailletée puis file la métaphore d’une voix grave et pénétrante, suave et chaude. On a l’impression de tenir le diable par la queue mais l’Ange bleu, aux aisselles non épilées, nous échappe autant qu’il peut sembler proche de nous, et tout cela sous une pluie de paradoxes que les lumières de Bertrand Killy accompagnent. Tonalités ironiques, adresses au public, dans un éclat de rire, la demoiselle fédère son auditoire pour l’emporter dans les méandres de ses souffrances, ses combats, ses déceptions les plus intimes. Elle traque les bipolaires, les dépressifs, les victimes de leur existence… en somme, le quidam en quête de bonheur qui, comme elle, préfère se suicider les jours où tout va bien plutôt que l’inverse. Elle va bien, même très bien depuis qu’elle ne mélange plus alcool et antidépresseurs et se souvient de ses rencontres furtives dans les toilettes de la gare de l’est durant les années 80. Entre « La vie d’artiste » et « Les amours sans promesse », Miss Knife boit de l’eau… avec des bulles ! Mais c’est de l’eau tout de même !

En observant un jeu de jambes rythmé, elle tourne le dos au public, pour montrer le croisillon de son dos nu plongeant sur une chute de reins énergiquement secouée par un déhanché rapide et coquin. La Miss s’amuse et avec elle tout un public joyeux devant « L’éternité » ou prêt à vivre « L’Apocalypse », c’est Miss Knife qui décide ! Ça bouge selon des rythmes binaires à la Kurt Weill pour certains airs de « L’opéra de quat’sous », un air de saxo, accompagné d’une basse et l’on danserait la rumba « Dans un théâtre noir » ou en étant « Tous coupables ».

Au total, 17 textes chantés, avec une ouverture magistrale jouée par les quatre musiciens qui entourent Miss Knife n’étant plus un mais cinq. La musique de Stéphane Leach oscille entre douce mélancolie, jazz et rythmes assurément décoiffants d’ailleurs la Miss en tombe la perruque, blonde ou rose bonbon. Mi-ange, mi-démon, Knife dissèque les émotions perdues dans le caniveau ou dérobées à la vie. Poignant, drôle et toujours aussi grinçant, le nouveau récital de Miss Knife fait honneur à la beauté de la langue baignée dans une douce mélancolie et orchestrée par des musiciens d’exception.

Miss Knife
Récital & musiques Stéphane Leach et Jean-Yves Rivaud
Textes d’Olivier Py
Lumières Bertrand Killy
Son Dominique Cherprenet
Costumes de Pierre-André Weitz
Avec Olivier Py au chant
Et les musiciens
Julien Jolly batterie
Olivier Bernard saxophone, flûte
Stéphane Leach piano
Sébastien Maire contrebasse
Le cd « Miss Knife chante Olivier Py » est publié chez Actes Sud.
Du 18 au 27 octobre 2012
Théâtre de l’Athénée
Square de l’Opéra Louis-Jouvet
7 rue Boudreau
75009 Paris
Métro : Havre-Caumartin
Réservations : 01 53 05 19 19
www.athenee-theatre.com

Be Sociable, Share!

•