ƒƒƒ Critique Bruno Deslot

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L’élégance au service de la passion

Le mythe de Médée revisité par Diana Dobreva est dévorant d’humanité. L’incarnation charnelle des pulsions dévastatrices de la magicienne transcende une proposition inattendue et d’une rare élégance dans le pur style de la tragédie grecque.

Plongés dans une semi-obscurité, le proskenion ainsi que la skéné forment un ensemble cohérent permettant une scénographie elliptique, simple et efficace. Le blanc domine un décor aérien afin de mieux mettre en perspective cette lente descente aux Enfers que connaîtra Médée lors de l’arrivée des Argonautes en Colchide. Elle tombe amoureuse de Jason. Il lui donne la réplique afin de convoiter l’aide providentielle que les pouvoirs de la magicienne pourraient apporter à sa conquête de la Toison d’or et tout bascule dans un combat dévorant guidé par la passion qui n’est pas ici un état ordinaire mais un état second que privilégie Diana Dobreva dans son interprétation de Médée. Le spectateur est ainsi épargné des visions d’horreur de Jason et des cris des victimes. Le ton assurément elliptique de la proposition permet à Diana Dobreva de faire l’économie de la fable pour mieux se concentrer sur les personnages de l’intrigue et en renforcer la puissance dramatique sans jamais être dans l’excès.

La finesse et la froideur du décor semblent contenir la violence des deux personnages principaux, tant dans leurs ébats que dans leurs affrontements. La tension paraît paroxystique car les comédiens sont toujours sur le souffle et pourtant, le texte et l’émotion nous parviennent avec une force tranquille assez saisissante. Diana Dobreva joue la carte de l’épure en opérant des choix judicieux de mise en scène et d’adaptation. Le texte va à l’essentiel et la mise en scène donne le sentiment d’assister à la réalisation d’une peinture de maître avec des carnations d’une rare éloquence. Dans un cercle de lumière blanche, Médée serre son fils dans ses bras puis tend une corde le long de sa nuque… noir ! Moment d’une grande sensibilité et d’une beauté incroyable.

Médée, humaine et déroutante, concentre toutes les qualités d’un spectacle fin, intelligent et d’une élégance déconcertante. 1h15 de plaisir que l’on ne sacrifie pas sur l’autel de l’ennui.

Médée l’insomnie de l’amour monstre
D’après le mythe de Médée
Sur des textes de Borges, Ovide, Euripide, Müller, Diana Dobreva
Ecriture et mise en scène : Diana Dobreva
Musique : Petia Dimanova
Avec : Diana Dobreva, Olivier Raynal, Jean-Charles Mouveaux, Aneli Pino
Du 19 mars au 7 avril 2013
Réservations : 01.48.08.39.74
Théâtre de l’Épée de Bois
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
www.epeedebois.com

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