Critiques // Critique. « Médée » de Corneille, mise en scène par Paulo Correia au Théâtre de la Tempête

Critique. « Médée » de Corneille, mise en scène par Paulo Correia au Théâtre de la Tempête

Mar 22, 2013 | Aucun commentaire sur Critique. « Médée » de Corneille, mise en scène par Paulo Correia au Théâtre de la Tempête

Critique Dominika Waszkiewicz

« Ce corps n’enferme pas une âme si commune »

Photo 2

© Fraicher-Mathey

Une proposition iconoclaste qui se veut baroque

Pourquoi ne pas reprendre la pièce de Corneille dans le genre de l’heroic fantasy ? Transcrire, par les techniques visuelles et sonores actuelles, la divinité des protagonistes. Montrer, par des effets spéciaux, leurs pouvoirs surhumains dans un climat intrinsèquement merveilleux. Traduire, en somme, les invraisemblables excès baroques par une esthétique qui a fait ses preuves dans les jeux vidéo ou au cinéma… Voilà le programme que nous proposent ici Paulo Correia et Gaële Boghossian : réinventer le mythe de Médée par le biais du nouveau langage épique, plus apte à nous peindre l’inhumanité de héros intemporels.

La pièce s’ouvre sur un écran animé de monstres inquiétants issus de l’imagination de Gustave Doré. Une voix monte et se met en devoir de nous résumer les péripéties colchidiennes des Argonautes. On se croirait devant un documentaire d’Arte sur la mythologie grecque… On s’inquiète un peu mais on attend de voir la suite. Jason et Pollux entrent en scène… Et on voit la suite : dans un écrin visuel qui les écrase, les vers cornéliens chutent, roulent et s’aplatissent mollement sur les planches grises du plateau.

 

Médée pour les nuls ou le rabotage de l’art

Au sein de cette profusion d’effets, plus gratuitement illustratifs que subtilement pertinents, l’œuvre se vide de son essence artistique. On prend Médée mais on n’en garde que l’histoire. Vaine paraphrase qui démontre une bien piètre intelligence du texte ! Comment peut-on accepter comme postulat de rabaisser un mythe au niveau d’une intrigue purement factuelle ?

Et que dire quand ces faits-là ne nous parviennent qu’à travers un jeu faux à pleurer ? Car, oui, on a envie de pleurer face à l’essai de mise en espace de la double mort de Créon et de sa fille… Est-ce une conséquence de l’incongru recours aux écrans ou bien un navrant défaut de direction d’acteur qui rend l’ensemble si platement artificiel ?

Et, face à cela, la mise en scène ne propose aucune échappatoire : tout reste tragiquement au premier degré. L’emphase pathétique ne subit aucune tentative de dérision ou de savoureux recul. L’esprit n’a pas de prise sur ce lisse objet scénique dont on ne garde rien. Ni émotion, ni réflexion… Ah si, peut-être une légère inquiétude pointe quant à l’avenir de notre patrimoine, si mal traité parfois.

 

Médée
De Pierre Corneille
Mise en scène : Paulo Correia
Collaboration artistique : Gaële Boghossian
Avec :
Gaële Boghossian – Médée
Laurent Chouteau – Créon
Stéphane Kordylas – Pollux
Stéphane Naigeon – Egée
Fabrice Pierre – Jason
Amandine Pudlo – Créuse
Dramaturgie et costumes Gaële Boghossian
Musique Fabrice Albanese
Scénographie Jean-Pierre Laporte
Lumières Alexandre Toscani
Création vidéo Paulo Correia
Conception technique Thomas Cottenet
Son Guillaume Pomares
Maquillages Marie Chassagne
Assistant à la mise en scène Félicien Chauveau
La robe de Médée est créée par Bibian Blue

Jusqu’au 21 avril 2013 du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 16h

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Métro : Château de Vincennes puis navette
Réservations : 01.43.28.36.36
http://www.la-tempete.fr/

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