Article de Camille Hazard
La compagnie de Chantal Melior Le théâtre du voyageur, pose ses valises au Théâtre du Soleil pour rejouer le diptyque Les Nomades et Ignatius, spectacles créés en 2007.
L’atmosphère poétique, un peu poussiéreuse des costumes, du maquillage, est bien prometteuse et l’on se laisse à rêver, bercés par un accueil si chaleureux…
« Le désert que j’ai connu est défiguré par les roues des camions et les déchets qu’y ont laissés derrière eux les Européens et les Américains »
Wilfred Thesiger
Sur le plateau, sept comédiens interprètent des extraits du Désert des déserts de l’explorateur et écrivain britannique Wilfred Thesiger ; parti seul pendant près d’un demi-siècle, il sillonna à pied et à dos de chameau, maints et maints déserts. A son retour il livra de précieux témoignages sur la vie âpre des bédouins. Images et poésie se dégagent de ce texte plein de sagesse et d’émerveillement. Les décors imaginés par Marine Porque mettent tout à fait en valeur l’environnement naturel et sec des dunes ; des pans de tissus blancs, tendus à la verticale et délimitant un sol recouvert de sable, figurent les aplats blancs magnifiques et arides que rencontrent pendant tout leur voyage, les sept personnages. Prise de parole individuelle, scènes d’exposition et chorégraphies collectives constituent cette itinérance.
Comme souvent dans ses créations, la metteuse en scène Chantal Melior insère dans la structure textuelle principale du spectacle, des extraits d’œuvres philosophiques. Sans juger bien sûr de l’efficacité de ces ajouts dans ses autres propositions artistiques, il faut bien avouer que pour ce spectacle-ci, l’idée n’est pas heureuse. On se perd dans cette surcharge de textes qui interrompt les scènes figurées dans lesquelles on aurait pu laisser notre imagination divaguer. Mais les extraits de textes tels le Gai savoir de Nietzsche ou encore Mille Plateau de Deleuze prennent la forme d’apartés et tombent la plupart du temps sur le public, comme un couperet de morale : « Notre société occidentale est malade, nous vivons dans un environnement dégénéré » ; là-dessus nous sommes d’accord ! « Les berbères ne vivent pas dans un monde fait de superficialités matérielles, ils savent prendre le temps de contempler la nature, leur vie, et se satisfont que de bien peu de choses » ; Là-dessus aussi nous sommes d’accord ! Mais la mise en contradiction de ces deux mondes paraît bien manichéenne, un peu simpliste pour ne pas la qualifier de naïve… Peut-être aurions-nous préféré assister uniquement à la mise en scène du texte de Wilfred Thesiger qui emmène les spectateurs dans la contemplation de ce peuple nomade et suffit par-là à provoquer un écho avec notre société capitaliste. Il est assez désagréable d’assister à un spectacle et de devenir bon gré, mal gré, le témoin d’un prêche de bonne parole ou de vérités consensuelles sur le monde…
Les Nomades (western philosophique)
Texte et mise en scène Chantal Melior
D’après le Désert des déserts de Wilfred Thesiger, Le Gai Savoir de Friedrich Nietzsche, l’Histoire Universelle d’Ibn Khaldûn, Mille Plateau de Gilles Deleuze…
Assistant mise en scène François Louis
Lumière Michel Chauvot
Chorégraphie Ariane Lacquement
Direction musicale Carol Lipkind
Piano Dea Liane
Décors Marine Porque
Conseiller artistique Patrik Melio
Avec Jean-Michel Grigoroff, Gautier Gaye, Ariane Lacquement, Dea Liane, François Louis, Mathieu Mottet et Siva Nagapattinam Kasi.Du 30 avril au 4 mai, du 14 au 18 mai, du 28 mai au 1er juin du 11 au 13 juin.
En alternance avec Ignatius (deuxième spectacle composant le diptyque)Théâtre du Soleil (petite salle)
La Cartoucherie – 75012 Paris
M° Château de Vincennes
Réservation 01 45 35 78 37
www.theatre-du-soleil.fr
www.theatre-du-voyageur.com
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